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ÉDOUARD.

quand je la voyais partir à neuf heures, belle, parée, charmante, pour aller dans ces fêtes où je ne pouvais la suivre, j’éprouvais des tourments inexprimables ; je la voyais entourée, admirée ; je la voyais gaie, heureuse, paisible, et je dévorais en silence mon humiliation et ma douleur.

Il était question depuis quelque temps d’un grand bal chez M. le prince de L…, et l’on vint tourmenter madame de Nevers pour la mettre d’un quadrille russe, que la princesse voulait qu’on dansât chez elle, et où elle devait danser elle-même. Les costumes étaient élégants, et prêtaient fort à la magnificence ; on arrangea le quadrille ; il se composait de huit jeunes femmes toutes charmantes, et d’autant de jeunes gens, parmi lesquels étaient le prince d’Enrichemont et le duc de L… Ce dernier fut le danseur de madame de Nevers. Au grand déplaisir du prince d’Enrichemont. Pendant quinze jours, ce quadrille devint l’unique occupation de l’hôtel d’Olonne ; Gardel venait le faire répéter tous les matins ; les ouvriers de tout genre employés pour le costume prenaient les ordres ; on assortissait des pierreries ; on choisissait des modèles ; on consultait des voyageurs pour s’assurer de la vérité et ne pas s’écarter du type national, qu’avant tout on voulait conserver. Je savais mauvais gré à madame de Nevers de cette frivole occupation ; et cependant je ne pouvais me dissimuler