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ÉDOUARD.

chez M. le maréchal d’Olonne, et ils y valaient tout ce qu’ils pouvaient valoir ; car le bon goût qui régnait dans cette maison gagnait même ceux à qui il n’aurait pas été naturel ; mais il faut pour cela que le maître en soit le modèle, et c’est ce qu’était M. le maréchal d’Olonne. Je ne crois pas que le bon goût soit une chose si superficielle qu’on le pense en général, tant de choses concourent à le former ; la délicatesse de l’esprit, celle des sentiments ; l’habitude des convenances, un certain tact qui donne la mesure de tout sans avoir besoin d’y penser ; et il y a aussi des choses de position dans le goût et le ton qui exercent un tel empire ; il faut une grande naissance, une grande fortune, de l’élégance, de la magnificence dans les habitudes de la vie ; il faut enfin être supérieur à sa situation par son âme et ses sentiments ; car on n’est à son aise dans les prospérités de la vie que quand on s’est placé plus haut qu’elles. M. le maréchal d’Olonne et madame de Nevers pouvaient être atteints par le malheur sans être abaissés par lui ; car l’âme du moins ne déchoit point, et son rang est invariable. On attendait madame de Nevers de jour en jour, et mon cœur palpitait de joie en pensant que j’allais la revoir. Loin d’elle, je ne pouvais croire longtemps que je l’eusse offensée ; je sentais que je l’aimais avec tant de désintéressement ; j’avais tellement la conscience que j’aurais