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LUCILE.


— À présent que nous voici possesseurs d'une éiladelle, à l'abri de toute surprise, et en position de ne nous mon- trer que quand le moment nous paraitra favorable, conti-


e envie. Ne ferions-nous pas n°?

à vois quelque chose à tenter, parle, nous {enlerons cette chose.

— Si je ne me trompe, nous pourrions percer des meur- lrières dans le plancher.

— Afin de voir ce qui se passe en bas? Tu a C'est une idée, Défonçons le plancher. Tiens, voici ment une pioche qui va me servi

— Un moment donc, m'écriai-je en saisissant Anselme par son bras déjà levé, il ne s’agit pas d'appeler sur nous Fanenton de l’eouemi en défonçaut avec le plancher : au contraire, l'essentiel c’est que nous arrivions à nous mé- pazer, sans bruit, une ouverture par laquelle notre regard puisse plonger et qui ne trahisse pas notre présence, Ce n'est pas de la force, mais de l'adresse qu'il faut.

— Alors, laisse-moi allumer nôtre lanterne, me répondit Anselme qui se mit à battre le briquet. s

Je venais, après avoir déblayé le sol du foin qui l'encom- brail, de commencer mon ouvrage, quand des cris déchirants arrivèrent jusqu'à nous 61 glacèrent mon sang dans mes vei- nes.

— Mort et furies ! me dit Anselme ; il est dur, quand on entend un pareil concert, de rester les bras croisés,

Le premier moment de la surprise passé, je me mis avec ardeur à l'ouvrage. Anselme, quoique je lui eusse recom- mandé le silence, m'aidait sans ménager s6s forces el se ser- vait de sa pioche avec une énergie bruyante. Seulement, comme les cris, au lieu de cesser, devenaient de plus en plus douloureux et fréquents, je ne songeais pas à lui re- procher son manque de prudent ité aussi forte ue mon émclion me faisait désirer ardemment d'assister au drane qui se passait si près de nous: mon souhait ne tarda

aison. juste-

pas à Ne accompli, Nous parvinmes bientôt à creuser une ouver

Me jetant aussitôt à plat ventre, je plongeai un regard |

curieux dans la chambre du rez-de-chaussée, Horreur! ja- mais je n'oublierai l'épouvantable spectacle qui S'oflrit à ma e. Le malheureux fermier gisait tout de son long au mi- lieu de la pièce, couché dans une mure de sang.

Sa tête affreusement mutilée n'offrait qu'une plaie, Non loin de lui, sa femme, solidement garrottée, élait maintenue par quatre chouans, tandis qu'un cinquième tournait autour de ses poignets une corde munie de nœuds et qui pénétrait, en causant d'épouvantables douleurs à la malheureuse femme, dans ses chairs.

Enfin, les autres chouans, — car il n’y avait, hélas1 plus à en douter, ce w’élaient pas des soldats républicains, mais bien des combattants royalistes qui étaient les auteurs de ces abominables excès, les autres chouans, dis-je, au nom- bre d'à peu près une vingtaine, s'amusaient à briser, avec une joie digne de véritables sauvages, les meubles grossiers de lo ferme.

Ce spectable me causa une si violente impression qu’en me relevant je ne me sentis plus la force de parler, et que ï me contentai de faire signe à Anselme de prendre ma place.

À peine mon camarade eut-il appliqué son front sur le sol qu'il se releva d'un bond sur ses pieds, el poussant une ex- clamation de rage :

— Malédiction! me dit-il; nous ne pouvons, quand bien même notre intervention dans celte scène sans nom devrait nous coûter la vie, laisser commeltre impunément de pa- reilles atrocités. Mort et furies! Prends ton fusil, et en avant !


— Oui, Anselme, en avant! répétai-je enflammé d’indi-

guation el ne songeant plus au danger. 3

Je me précipilai aussitôt vers la lucarne; mais Anselme, je l'ai déjà dit, en avait retiré l'échelle : cet obstacle n'ar- rêla dans mon élan,