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GIGOLETTE.

On franchit la rampe…

VERT-PANNÉ.

Une nuée de projectiles traverse l’espace.

BEAUJOLAIS.

Nous cherchons notre salut dans la fuite.

GIGOLETTE.

Sans avoir eu le temps de quitter nos costumes.

VERT-PANNÉ.

Je n’ai sauvé de la bagarre que cet objet d’art, cette pomme de discorde que je sors de mon portefeuille. (Il la tire de sa botte.)

BEAUJOLAIS.

C’est une poire pour la soif.

VERT-PANNÉ.

Sans compter qu’il me semble toujours que je vois les gros talons des gendarmes sur les nôtres. (Il va au fond.)

GIGOLETTE.

Qué malheur ! ça allait si bien à Balaric… j’étais t-idolée.

BEAUJOLAIS, la reprenant.

Z-idolée.

GIGOLETTE.

On m’appelait la petite Rachel, et même la Ristorique.

BEAUJOLAIS.

Pas que, pas que… Ri suffit. Prononcez Ristori.

VERT-PANNÉ.

Pourquoi ? On dit bien Balaric. (Il remonte.) Cette enfant peut bien dire Ristorique.

GIGOLETTE.

Tout ça n’arriverait pas si on soignait ses rôles… Jusqu’au grand Beaujolais lui-même qui, hier, au lieu de me dire : Ma petite Minette, me disait toujours…

VERT-PANNÉ.

Sous prétexte de rhume de cerveau : Ma petite Binette. (Il remonte en riant.) Il l’a dit.

GIGOLETTE.

Il l’a dit.

BEAUJOLAIS.

Eh ! là-bas ! on ne se souvient donc plus de sa fameuse entrée des Mousquetaires ? M. Boukingham avait à dire vivement à la princesse qui est en scène : Ah ! princesse, un mot de vous et je suis sauvé ! Il entre, et Boukingham s’écrie : Ah ! princesse ! un mou de veau, et je suis sauvé !…

GIGOLETTE.

Oui, tu l’as dit.

BEAUJOLAIS.

Tu l’as dit.

VERT-PANNÉ.

Eh bien, quoi ! ça a fait de l’effet, et je n’avais pas peur comme aujourd’hui de la gendarmerie.

BEAUJOLAIS.

Ah ! si nous pouvions seulement, avec notre grand drame lyrique des Trabilcayres arriver à Bayonne !..

GIGOLETTE.

Où nous sommes affichés pour vendredi prochain.

BEAUJOLAIS.

Oui, vendredi prochi, non, vendrechin prodi, non, enfin, comme tu dis : prochain ; c’est ce jour-là que nous débuterons à Bayonne.

VERT-PANNÉ, se découvrant.

Chef-lieu des jambons.

BEAUJOLAIS.

C’est là qu’il ne faut pas se faire fumer.

VERT-PANNÉ, qui remonte de nouveau.

Silence, je crois que j’entends un gros talon ! (Ils écoutent.)

BEAUJOLAIS.

Mais non, mais non… tu as toujours peur.

VERT-PANNÉ, redescendant.

Et pas de balthasar possible dans cette auberge ?

BEAUJOLAIS.

Hélas ! non, mes enfants. Le Véry de cette localité refuse de se déguiser pour nous en confiance illimitée.

VERT-PANNÉ.

Allons, affichons dans notre estomac : le Gastronome sans argent.

GIGOLETTE.

Ou l’Omelette fantastique.

BEAUJOLAIS.

Ou Je dîne chez ma tante, proverbe en cinq actes.

VERT-PANNÉ.

C’est bien long.

BEAUJOLAIS.

Et poussons, faute de mieux, le hourra du Crocodile.

TOUS.

Hourra !

BEAUJOLAIS.
Chant du Crocodile.
––––Le crocodile, en partant pour la guerre,
––––Disait adieu à ses petits enfants…
TOUS.
––––––––––––Adieu !
BEAUJOLAIS.
––Le crocodil’ traînait sa queu’ dans la poussière ;
––––Le crocodile est mort, il n’ croqu’ra plus.
TOUS.
––––––––––N’en parlons plus !
BEAUJOLAIS.
––––––Le cro, cro, cro, cro, cro, codile
––––––––Est mort au bord du Nile.
––––––––––Il n’ croqu’ra plus :
––––––––––N’en parlons plus !
TOUS.
REPRISE.
––––––Le cro, cro, cro, etc.
VERT-PANNÉ.
Air des Hirondelles. (Félicien David.)
––––––––Si j’étais t-hirondelle
––––––––Deux ail’s je les aurais ;
––––––––Mais j’aim’rais mieux qu’une aile,
––––––––Et que cette ail’ fut l’aile
––––––––D’un canard aux navets.
TOUS.
–––––––––––Aux navets.
BEAUJOLAIS.
––––––Le cro, cro, cro, cro, cro, codile
––––––––Est mort au bord du Nile,
––––––––––Il n’ croqu’ra plus :
––––––––––N’en parlons plus !
TOUS.
REPRISE.
––––––Le cro, cro, cro, etc.
BEAUJOLAIS.

Allons, chaud, chaud, mademoiselle Gigolette, large amorozo comme dans Pra-Domino ou les Diamants de la Sirène.

GIGOLETTE.
Air de la Sirène.
––––––––Si j’étais t-hirondelle,
––––––––Que je save voler,
––––––––Chez Vachette, à tir’-d’aile,
––––––––Comm’ j’irais me poser !
––––––––Je m’ paîrais des mauviettes,
––––––––Des m’ringu’s et des beignets,
––––––––Des babas, des croquettes ;
––––––––Enfin, je me paîrais…
BEAUJOLAIS.

(Fin du motif des Hirondelles.)

–––––––––––Tu t’ paîrais,
–––––––––––Tu t’ paîrais
TOUS.
–––––––––––Des navets.
BEAUJOLAIS.
––––––Le cro, cro, cro, codile
––––––Est mort au bord du Nile.
––––––––––Il n’ croqu’ra plus :
––––––––––N’en parlons plus !
TOUS.
REPRISE.
––––––Le cro, cro, cro, etc.
TOUS, forte.
–––––––––––––Non !
BEAUJOLAIS, après le chant.

Maintenant, un cran à la boucle du mousquetaire, et en route, jolie troupe, (Ils vont pour sortir.)


Scène IV.

Les Mêmes, IGNACE.
IGNACE, d’abord en dehors à gauche.

Qu’est-ce qui m’aide à porter la table ?

TOUS.

Une table !…

IGNACE.

Pour le déjeuner.

TOUS, dansant de joie.

Un déjeuner ? tra, la, la, la, la. (Beaujolais court au-devant d’Ignace et l’aide à porter une table toute servie qu’ils viennent mettre à droite ; Gigolette et Vert-Panné les précèdent en dansant.)