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––––––––Raoul, Marco-Spada, (bis.)
––––––––Ruy Blas, Gastibelza.
––––––––Oui, je suis Buridan,
––––––––Don César de Bazan.
–––––––––––Buridan,
––––––––Don César de Bazan.
––––––––Moi corsaire ou brave,
––––––––Gaspardo, Diavolo,
––––––––Moi, moi, l’inimitable,
––––––––Satan, Robert le Diable,
––––––––Moi que l’on adorait,
––––––––Quand on me voyait,
––––––––Sublime ou en colère,
––––––––Assassiner mon père,
––––––––Empoisonner ma mère,
––––––––Étrangler mon beau-frère…
––––––––––Que j’étais beau (bis.)
––––––––Ah ! oui, je suis Buridan, etc.
IGNACE, à part.

Il a des moustaches, un chapeau à plumet, un grand sabre… d’après ces détails, c’est un brigand ! (Haut et d’une voix timide.) Monsieur voudrait se rafraîchir ?

BEAUJOLAIS.

Au contraire… (D’un ton sec.) Je ne veux rien prendre… (A part, en frappant sur son gousset.) et pour cause…

IGNACE, à part.

Il ne veut rien prendre… Ça n’est pas un voleur.

BEAUJOLAIS, à part.

Une si belle représentation ! salle comble… et obligés de nous sauver… sans la recette !…

IGNACE, à part.

Qu’est-ce donc qu’il se marmotte à lui-même ?

BEAUJOLAIS, haut.

Je suis furieux ! Imaginez-vous, futur vieillard, que dans la ville voisine, théâtre de mes exploits…

IGNACE, à part.

De ses exploits !… oh ! la, la !

BEAUJOLAIS.

Je croyais avoir fait un coup superbe.

IGNACE, à part.

Un coup !

BEAUJOLAIS.

Je croyais emporter tout l’argent de la population.

IGNACE, à part.

J’ai la chair de poule !

BEAUJOLAIS.

Mais au bon moment, quand nous allions nous partager une jolie petite somme, nous avons été obligés de nous sauver les mains vides sous peine d’être pincés.

IGNACE, timidement.

Et Monsieur est seul ?

BEAUJOLAIS.

Non… et je venais vous demander un abri contre l’orage, pour moi et la troupe dont je suis le chef.

IGNACE, à part.

Sa troupe… c’est lui… c’est le farouche Tromb-al-ca-zar !

BEAUJOLAIS.

Pauvres camarades ! ils sont à jeun depuis hier, et pas un radis…

IGNACE, à part.

Voilà la carotte !

BEAUJOLAIS.

Oh ! soyez tranquille ; comme on n’a pas le sous on ne vous demande rien.

IGNACE, à part.

Franchement, j’aime mieux ça.

BEAUJOLAIS.

La société nous traite, nous autres nomades, de bohémiens, de vagabond ; mais, quand il le faut, nous savons nous priver plutôt que de mendier un dîner. (Changeant de ton.) Quand on nous invite, par exemple… Ah ! ah ! c’est différent… nous sommes trop polis pour refuser.

IGNACE, à part.

Très-bien !… je sais ce que parler veut dire… Faisons des sacrifices… avec quatre sardines j’en verrai la farce. (Il sort vivement par la gauche.)


Scène III.

BEAUJOLAIS, puis VERT-PANNÉ, GIGOLETTE, elle a un tartan par-dessus un brillant costume de Gitane, quatre danseuses. Tous entrent par le fond.
BEAUJOLAIS, qui n’a pas vu sortir Ignace, ôtant ses moustaches et les mettant dans sa poche.

Ainsi, jeune élève de Comus, si vous voulez faire une politesse à d’aimables comédiens naufragés… Eh bien, il n’est plus là… Décidément j’ai eu tort de lui dire que nous n’avions pas le sou. (Bruit au dehors.) Ah ! voilà les camarades.

VERT-PANNÉ, se montrant à la fenêtre avec Gigolette, et chantant.
––Voici donc les débris du monastère antique,
––Voué par Cupidon…

Tiens ! bonjours Beaujolais.

BEAUJOLAIS, indiquant Gigolette qui entre par la porte.

Eh ! arrivez donc, les enfants… Gigolette, ma première roucouleuse ; Vert-Panné, mon troisième rôle en tout genre, les traîtres, et au besoin les plaisantins ; mes quatre femmes du ballet, muettes et restées fidèles… deux invraisemblances. Filez dans la grange. (Elles sortent à droite.)

VERT-PANNÉ.

Toit hospitalier, salut !… Je suis trop natif de Meaux pour ne pas saluer l’abri…

BEAUJOLAIS.

Oui, l’abri… mais sans le moindre fromage.

GIGOLETTE, montrant son costume.

Ah ! être exposée comme cela aux engelures du temps !… je vais dételer. (Elle retire ses socques et son châle.)

BEAUJOLAIS.

Dételle, ma fille.

VERT-PANNÉ, montrant son petit manteau qui lui va à peine au bas des reins.

Courir ainsi court vêtu !… si on dirait que je suis dans le pays des Basques ! (Il se retourne et remonte la scène.)

GIGOLETTE.

Quelle débine !

VERT-PANNÉ, revenant.

Ô la province ! la province !… oh ! mes illusions dramatiques, que sont-elles devenues ?

BEAUJOLAIS.

Tu geins toujours, toi !

VERT-PANNÉ.

Il y a de quoi, Beaujolois.

BEAUJOLAIS.

Lais…

VERT-PANNÉ.

J’aime mieux lois…

BEAUJOLAIS.

Si tu la préfères…

VERT-PANNÉ, continuant.

Toujours se produire en public sans jamais étrenner de la moindre claque !… et pour le véritable artiste, vois-tu, ah ! étrenner… ou mourir ! Ô la province !… ô la province !… oh ! mes rêves ! (Pour se moucher, il tire un mouchoir à carreaux de sa boîte à entonnoir.)

GIGOLETTE.

Quel grabuge ! encore hier…

VERT-PANNÉ.

Oui, dans cette grange, cette chaufferette sans feu que tu appelles la salle de Balaric.

BEAUJOLAIS.

Ah ! il m’en souviendra, larira. J’ai quelquefois des couacs.

VERT-PANNÉ.

Souvent !

BEAUJOLAIS.

J’en conviens… hier, le premier couac passe… très-bien… Je me dis : Les canards de l’orchestre l’ont bien passé, mon couac passera… mais à mon grand air, au troisième acte…

VERT-PANNÉ.

Au troisième couac.

BEAUJOLAIS.

Le public me crie : Au chat ! au chat !… Le fait est que ce n’était plus un gosier que j’avais, c’était une gouttière… Tous les chats du quartier ils étaient disséminés dans ma gorge… Dans mon grand air de : Ô toi, si belle… (Il chante.) ô toi ! un chat, ô toi ! deux chats, tous les chats sur mon toi ! J’ai été obligé de m’arrêter à cause de ma toux.

VERT-PANNÉ.

Le public a souri.

BEAUJOLAIS.

Je comprends la critique de la situation… je n’hésite pas, je m’avance vers le public et je dis : Bessieurs, veuillez bien b’excuser ; j’ai eu la balheureuse idée… (Il éternue.) de faire une promenade au bord de la ber… et la folle brise du soir m’a fait perdre et mes si, et mes ut… Un mouvement électrique se produit dans la salle… le public croit que je lui ai dit zut !… Je demande à m’expliquer : Bessieurs, si vous n’avez pas foi dans la perte de mon do, allez vous asseoir.

YERT-PANNÉ.

Alors on casse les banquettes…

BEAUJOLAIS.

On s’élance sur nous…