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Si le prince d’Isembourg, et avec lui tant d’infortunés combattants, eût été relevé plus tôt par des mains compatissantes sur le terrain humide et sanglant où il gisait évanoui, il ne souffrirait pas aujourd’hui encore de blessures qui furent dangereusement aggravées par un abandon de plusieurs heures ; et si son cheval ne l’avait pas fait découvrir au milieu des cadavres, il eût certainement péri, faute de secours, avec bien d’autres blessés, qui n’étaient pas moins des créatures de Dieu, et dont la mort pouvait être également sensible à leurs familles.

Pense-t-on que ces belles jeunes filles et ces bonnes femmes de Castiglione, toutes dévouées qu’elles fussent, aient préservé de la mort beaucoup de ces militaires mutilés ou défigurés, mais susceptibles de guérison, auxquels elles donnèrent des soins ? C’est à peine si elles ont pu apporter à quelques-uns de légers adoucissements ! Il fallait là, non pas seulement des femmes faibles et ignorantes, mais à côté d’elles, et avec elles, il aurait fallu des hommes de cœur et d’expérience, capables, fermes, organisés d’avance, et en nombre suffisant pour agir aussitôt avec ordre et ensemble ; alors on eût évité la plupart de ces accidents et de ces fièvres venant misérablement compliquer des blessures, qui, peu graves au premier moment, devenaient très-promptement mortelles.

Si l’on avait eu suffisamment d’aides pour pourvoir au service du relèvement des blessés dans les plaines de Médole, et au fond des ravins de San Martino, et sur les escarpements du Mont Fontana ou les mamelons de Sol-