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L’INCONNU

Elle se savait belle. Que de fois, lorsqu’elle se rendait à la ville, vendre des salades dans la douce saison, des fleurs aux fêtes, et chercher d’occasion les rares choses qu’il lui advenait d’acheter, elle avait rencontré des galants…

Une fois même, un seigneur étranger lui donna cinq écus pour qu’elle se mît nue. Elle avait gagné ses cinq écus. Une femme de braconnier, une gueuse qui vit de tout ce qui attire le mépris des citadins, et parfois requiert leur justice, n’a pas de pudeur. Et puis, en ont-elles plus, les bourgeoises qui se font épiler et les dames nobles qui pervertissent leurs pages ?…

Moins encore en aurait-elle d’ailleurs, à cette heure où Satan lui-même disposait de son âme. Il faudrait, avec l’aide du Maudit, vivre heureusement en échange du paradis perdu. Mais, comment être heureuse sans amour ?

Il est vrai que Jean était peut-être bien libéré, si le Diable y avait pourvu.

À ce moment, une fureur la prit et une sorte de désir ardent de tirer vengeance des malheurs qui l’accablaient.

Elle rentra dans sa demeure assombrie et chercha la cruche au vin. Elle but alors coup sur coup, trois lampées en murmurant :

— Satan, Satan, protège-moi !

Soudain, avertie elle ne sait comment, Babet se