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LES AMANTES DU DIABLE

lence total, cela progressa de deux pas, puis fit halte et s’assit, les pattes arquées : Un loup.

Le museau étiré et ouvert laissait tomber une langue flambante. On voyait distinctement les dents de la mâchoire supérieure. L’animal muet paraissait bâiller.

Le vent jeta une nouvelle plainte. Alors, un autre bruit régulier et coupé s’étendit brusquement comme une onde.

Le loup, restant assis, tourna deux yeux luisants vers la gauche, puis creusa les reins. Un cri bref et étranglé jaillit de sa gorge rauque.

Il laissa passer deux secondes et se remit debout, les pattes ramenées sous le corps. Effilé et puissant, le ventre creux et l’arrière train bardé de muscles, il tendit enfin la gueule et guetta.

C’était un mâle endenté et robuste, depuis longtemps deviné par les gardes du baron des Heaumettes. Il avait mis à mal bien des brebis, et même plusieurs enfants, mal choisis pour mener des troupeaux à la glandée. D’habitude, il se cachait de l’homme, et tous bruits qui ne fussent point animaux le faisaient fuir coléreusement vers son repaire. Pourtant, il avait, la veille même, attaqué une femme, que sauvait à temps la venue d’une troupe de gens d’armes regagnant le château après avoir pendu un serf mécréant. On avait, en effet, donné ordre de le brancher à la limite extrême des terres