Page:Dumont - Paris-Éros. Première série, Les maquerelles inédites, 1903.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 238 —

Si elle avait pu pleurer, peut-être qu’une bonne pensée d’en haut lui serait venue.

Mais elle était toute à la fascination du danger qu’elle courait. Dans une heure il fallait que le rufian eût les cinq mille francs, ou gare à la bombe.

Il attendait en face, lorgnant l’étalage d’un bijoutier.

Cette pensée la terrorisait ; elle se sentait devenir folle, et elle était seule, sans appui, sans conseil.

Son indignité lui faisait grossir le danger.

Elle regardait dans le vague sans voir.

Le secrétaire seul de son mari pouvait lui donner la rançon libératrice. Ses bijoux, ses dentelles et jusqu’à son linge avaient été engagés pour satisfaire l’avidité du marlou.

Elle fit résolument un pas au-devant du meuble.

Tout à coup, elle se recula suffoquant, portant la main à son cœur.

Vision ou hallucination, la corporalité diaphane de son mari venait de s’interposer entre elle et le secrétaire, paraissant attendrie, la main tendue en signe de pardon.

Elle tomba à genoux, criant grâce. Le son de sa voix la fit se reprendre. La vision avait disparu.

Trois quarts d’heure encore : le rufian attendait.

Elle se releva, éperdue, folle, et se précipita vers le secrétaire et introduisit tremblante, convulsée, le crochet dans la serrure.