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Delaune.

Le tambour est venu chercher ton frère ce matin, il paraît qu’il y a quelque chose.

Agathe.

Non, non, il monte la garde.

Delaune.

Il l’a montée il y a huit jours.

Agathe.

Mais c’était pour vous.

Delaune.

Ah ! oui, tu as raison… En vérité c’est exténuant d’être de garde si souvent !… mais c’est égal, ne me trahis pas !… tout ça n’est pas fini.

Agathe.

Vous croyez, mon oncle ?

Delaune.

On vient de me le dire à la Bourse… c’est un haricoteur de mes amis qui vient de perdre beaucoup sur les rentes.

Agathe.

Et ça vous inquiète ?

Delaune.

J’ai peut-être tort… car

Il n’est point d’absurde nouvelle,
Qu’à la Bourse on n’aille crier,
Pour rendre sa chance plus belle,
Ou pour mieux placer son papier.
Dans leur avidité constante,
Ces joueurs-là feraient vraiment
Descendre le gouvernement…
Si ça faisait monter la rente !

Agathe.

J’ai une peur des révolutions !

Delaune.

Et moi donc !… Vous me direz, un fabricant de rubans comme moi ne peut qu’y gagner, quand il a le bonheur de n’en pas être victime !

Agathe.

Je sais bien que vous avez fait votre fortune dans les rubans.

Delaune.

Je l’ai commencée en 89… je me rappelle les cocardes vertes… ça n’a pas duré long-temps… mais tout Paris en a porté… Après ça sont venus les rubans tricolores ! Oh ! là-dessus, j’ai fait des envois dans les départemens… Mes fabriques allaient jour et nuit.

Agathe.

Et avec les rubans blancs ?