Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi ce qu’une sœur n’eût pas fait, je ne me pardonne pas de l’avoir laissée mourir ainsi.

Morte ! morte ! en pensant à moi, en écrivant et en disant mon nom, pauvre chère Marguerite !

Et Armand, donnant un libre cours à ses pensées et à ses larmes, me tendait la main et continuait :

— On me trouverait bien enfant, si l’on me voyait me lamenter ainsi sur une pareille morte ; c’est que l’on ne saurait pas ce que je lui ai fait souffrir à cette femme, combien j’ai été cruel, combien elle a été bonne et résignée. Je croyais qu’il m’appartenait de lui pardonner, et aujourd’hui, je me trouve indigne du pardon qu’elle m’accorde. Oh ! je donnerais dix ans de ma vie pour pleurer une heure à ses pieds.

Il est toujours difficile de consoler une douleur que l’on ne connaît pas, et cependant j’étais pris d’une si vive sympathie pour ce jeune homme, il me faisait avec tant de franchise le confident de son chagrin, que je crus que ma parole ne lui serait pas indifférente, et je lui dis :

— N’avez-vous pas des parents, des amis ? Espérez, voyez-les, et ils vous consoleront, car moi, je ne puis que vous plaindre.

— C’est juste, dit-il en se levant et en se promenant