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Armand continuait cette vie. L’avenir d’une enfant qui ne vous a rien fait, et qui a le droit de compter sur l’avenir, est entre vos mains.

» Avez-vous le droit et vous sentez-vous la force de le briser ? Au nom de votre amour et de votre repentir, Marguerite, accordez-moi le bonheur de ma fille.

» Je pleurais silencieusement, mon ami, devant toutes ces réflexions que j’avais faites bien souvent, et qui, dans la bouche de votre père, acquéraient encore une plus sérieuse réalité. Je me disais tout ce que votre père n’osait pas me dire, et ce qui vingt fois lui était venu sur les lèvres que je n’étais après tout qu’une fille entretenue, et que, quelque raison que je donnasse à notre liaison, elle aurait toujours l’air d’un calcul ; que ma vie passée ne me laissait aucun droit de rêver un pareil avenir, et que j’acceptais des responsabilités auxquelles mes habitudes et ma réputation ne donnaient aucune garantie. Enfin, je vous aimais, Armand. La manière paternelle dont me parlait M. Duval, les chastes sentiments qu’il évoquait en moi, l’estime de ce vieillard loyal que j’allais conquérir, la vôtre que j’étais sûre d’avoir plus tard, tout cela éveillait en mon cœur de nobles pensées qui me relevaient à mes propres yeux, et faisaient parler de saintes vanités, inconnues