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me dis-je en me couchant, mais voyant que je ne lui écris pas, elle m’écrira demain.

Ce soir-là surtout je me repentis de ce que j’avais fait. J’étais seul chez moi, ne pouvant dormir, dévoré d’inquiétude et de jalousie quand, en laissant suivre aux choses leur véritable cours, j’aurais dû être auprès de Marguerite et m’entendre dire les mots charmants que je n’avais entendus que deux fois, et qui me brûlaient les oreilles dans ma solitude.

Ce qu’il y avait d’affreux dans ma situation, c’est que le raisonnement me donnait tort ; en effet, tout me disait que Marguerite m’aimait. D’abord, ce projet de passer un été avec moi seul à la campagne, puis cette certitude que rien ne la forçait à être ma maîtresse, puisque ma fortune était insuffisante à ses besoins et même à ses caprices. Il n’y avait donc eu chez elle que l’espérance de trouver en moi une affection sincère, capable de la reposer des amours mercenaires au milieu desquelles elle vivait, et dès le second jour je détruisais cette espérance, et je payais en ironie impertinente l’amour accepté pendant deux nuits. Ce que je faisais était donc plus que ridicule, c’était indélicat. Avais-je seulement payé cette femme, pour avoir le droit de blâmer sa