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main de cette femme, il se sent la force de tout entreprendre, la volonté de tout conquérir, le courage de tout faire. A peine s’il ose regarder le bas de jambe coquet qu’elle dévoile pour ne pas souiller sa robe au contact de la terre. Pendant qu’il rêve à tout ce qu’il ferait pour posséder cette femme, elle l’arrête au coin d’une rue et lui demande s’il veut monter chez elle.

Il détourne la tête, traverse la rue et rentre tout triste chez lui.

Je me rappelais cette étude, et moi qui aurais voulu souffrir pour cette femme, je craignais qu’elle ne m’acceptât trop vite et ne me donnât trop promptement un amour que j’eusse voulu payer d’une longue attente ou d’un grand sacrifice. Nous sommes ainsi, nous autres hommes ; et il est bien heureux que l’imagination laisse cette poésie aux sens, et que les désirs du corps fassent cette concession aux rêves de l’âme.

Enfin, on m’eût dit : Vous aurez cette femme ce soir, et vous serez tué demain, j’eusse accepté. On m’eût dit : Donnez dix louis, et vous serez son amant, j’eusse refusé et pleuré, comme un enfant qui voit s’évanouir au réveil le château entrevu la nuit.