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jour où il comptait dresser l’obélisque sur son piédestal, et ce jour fut publié à son de trompe par toute la ville. Chacun pouvait assister à l’opération, mais à la condition du plus rigoureux silence : c’était un point qu’avait réclamé Fontana, afin que sa voix à lui, le seul qui eût le droit de donner des ordres dans ce grand jour, pût être entendue des travailleurs. Or, comme Sixte-Quint ne faisait pas les choses à demi, la proclamation portait que la moindre parole, le moindre cri, la moindre exclamation serait punie de mort, quels que fussent le rang et la condition de celui qui l’aurait proféré.

Fontana commença son travail au milieu d’une foule immense ; d’un côté était le pape et toute sa cour sur un échafaudage élevé exprès ; de l’autre, était le bourreau et la potence ; au milieu, dans un espace resserré et que faisait respecter un cercle de soldats, étaient Fontana et ses ouvriers.

La base de l’obélisque avait été amenée jusqu’à son piédestal ; ce qui restait à faire, c’était donc de le dresser. Des cordes attachées à son extrémité devaient, par un mécanisme ingénieux, lui faire perdre sa position horizontale pour l’amener doucement à une position perpendiculaire. La longueur des cordes avait été mesurée à cet effet ; arrivées à leur point d’arrêt, l’obélisque devait être debout.

L’opération commença au milieu du plus profond silence ; l’obélisque lentement soulevé obéissait comme par magie à la force attractive qui le mettait en mouvement. Le pape, muet comme les autres, encourageait la manœuvre par des signes de tête ; la voix de l’architecte donnant des ordres retentissait seule au milieu de ce silence solennel. L’obélisque montait toujours, un ou deux tours de roues encore, et il était établi sur sa base. Tout à coup, Fontana s’aperçoit que le mécanisme ne tourne plus ; la mesure des cordes avait été exactement prise, mais les cordes avaient été distendues par la masse, et elles se trouvaient maintenant de quelques pieds trop longues ; nulle force humaine ne pouvait suppléer à la force qui manquait. C’était une opération manquée, une réputation perdue ; Fontana pressait les ordres, multipliait les commandemens. Du moment où les cordes n’attiraient