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Baux et la seigneurie de Buis en Provence ; puis il maria le fils d’Honoré II avec la fille de M. Le Grand. Ce mariage eut lieu en 1688, et valut à M. de Monaco et à ses enfans le titre de princes étrangers. Ce fut depuis ce temps-là que les Grimaldi changèrent leur titre de seigneur contre celui de prince.

Le mariage ne fut pas heureux ; la nouvelle épousée, qui était cette belle et galante duchesse de Valentinois si fort connue dans la chronique amoureuse du siècle de Louis XIV, se trouva un beau matin d’une enjambée hors des états de son époux, et se réfugia à Paris, tenant sur le pauvre prince les plus singuliers propos. Ce ne fut pas tout : la duchesse de Valentinois ne borna pas son opposition conjugale aux paroles, et le prince apprit bientôt qu’il était aussi malheureux qu’un mari peut l’être.

À cette époque on ne faisait guère que rire d’un pareil malheur ; mais le prince de Monaco était un homme fort bizarre, comme l’avait dit la duchesse, de sorte qu’il se fâcha. Il se fit instruire successivement du nom des différens amans que prenait sa femme, et les fit pendre en effigie dans la cour de son château. Bientôt la cour fut pleine et déborda sur le grand chemin, mais le prince ne se lassa point et continua de faire pendre. Le bruit de ces exécutions se répandit jusqu’à Versailles, Louis XIV se fâcha à son tour, et fit dire à monsieur de Monaco d’être plus clément ; monsieur de Monaco répondit qu’il était prince souverain, qu’en conséquence il avait droit de justice basse et haute dans ses États, et qu’on devait lui savoir gré de ce qu’il se contentait de faire pendre des hommes de paille.

La chose fit un si grand scandale qu’on jugea à propos de ramener la duchesse à son mari. Celui-ci, pour rendre la punition entière, voulait la faire passer devant les effigies de ses amans ; mais la princesse douairière de Monaco insista si bien que son fils se départit de cette vengeance, et qu’il fut fait un grand feu de joie de tous les mannequins.

« Ce fut, dit madame de Sévigné, le flambeau de ce second hyménée. »

On vit bientôt cependant qu’un grand malheur menaçait les princes de Monaco. Le prince Antoine n’avait qu’une