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l’antica Nizza, et la Nice new : la Nice italienne et la Nice anglaise. La Nice italienne, adossée à ses collines avec ses maisons sculptées ou peintes, ses madones au coin des rues et sa population, au costume pittoresque, qui parle, comme dit Dante, la langue — del bel paese là dove il si suona. — La Nice anglaise, ou le faubourg de marbre avec ses rues, tirées au cordeau, ses maisons blanchies à la chaux, aux fenêtres et aux portes régulièrement percées, et sa population à ombrelles, à voiles et à brodequins verts, qui dit : — Jès.

Car, pour les habitans de Nice, tout voyageur est Anglais. Chaque étranger, sans distinction de cheveux, de barbe, d’habits, d’âge et de sexe, arrive d’une ville fantastique perdue au milieu des brouillards, où quelquefois par tradition on entend parler du soleil, où l’on ne connaît les oranges et les ananas que de nom, où il n’y a de fruits mûrs que les pommes cuites, et que par conséquent on appelle London.

Pendant que j’étais à l’hôtel d’York, une chaise de poste arriva. Un instant après l’aubergiste entra dans ma chambre.

— Qu’est-ce que vos nouveaux venus ? lui demandai-je.

Sono certi Inglese, me répondit-il, ma non saprai dire si sono Francesi o Tedeschi.

Ce qui veut dire : — Ce sont de certains Anglais, mais je ne saurais dire s’ils sont Français ou Allemands.

Il est inutile d’ajouter que tout le monde paie en conséquence de ce que chacun est appelé milord.

Nous restâmes deux jours à Nice ; c’est un jour de plus que ne restent ordinairement les étrangers qui ne viennent point pour y passer six mois. Nice est la porte de l’Italie, et le moyen de s’arrêter sur le seuil quand on sent à l’horizon Florence, Rome et Naples !

Nous fîmes prix avec un voiturin, qui se chargea de nous conduire à Gênes en trois jours par la route de la Corniche : je connaissais le mont Cenis, le Saint-Bernard, le Simplon, le col de Tende, les Bernardins et le Saint-Gothard. C’était donc la seule route, je crois, qui me restât à parcourir.

La première ville qu’on rencontre sur le chemin est Villa-Franca, dont le port, ouvrage des Génois, et creusé par le