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jeuner qui nous attendait. Nous ordonnâmes d’atteler, afin de pouvoir partir en nous levant de table.

— Mais, nous dit notre hôte d’un air assez embarrassé, ces messieurs vont à Nice, je crois ?

— Sans doute, pourquoi cela ?

— C’est qu’il faudrait alors que les passeports de ces messieurs fussent signés par le consul de Sa Majesté Charles-Albert.

— Mais ils sont visés par l’ambassade de Paris, dit Jadin.

— N’importe, dit l’hôte, ces messieurs ne pourraient pas entrer en Sardaigne s’il n’y avait pas un visa daté d’Antibes.

— Donnez donc votre passeport, dis-je à Jadin ; il faut bien que tout le monde vive, même les rois.

Nous grossîmes de chacun trente sous la liste civile du roi Charles-Albert, après quoi nous fûmes libres d’entrer sur son territoire.

Nous profitâmes de cette liberté pour monter en voiture.

Deux heures après nous étions sur les bords du Var.

La tête du pont était gardée par la douane. Comme nous sortions de France, nous n’avions rien à faire avec elle. Nous passâmes donc fièrement.

Derrière la douane étaient deux factionnaires avec lesquelles nous n’eûmes encore rien à démêler.

Derrière les deux factionnaires était un commissaire de police.

Avec celui-ci ce fut autre chose. Après avoir bien comparé mon signalement à mon visage et en avoir fait autant pour Jadin et pour Onésime, il lui vint dans l’idée que l’une des deux dames qui étaient dans notre voiture était sans doute la duchesse de Berry. En conséquence, il lui chercha une querelle sur son âge, prétendant qu’elle ne paraissait pas les 26 ans qui étaient portés sur son passeport. La chose était on ne peut plus flatteuse pour la dame, mais, comme elle était fort ennuyeuse pour nous, je voulus faire quelques observations au commissaire.

Le commissaire me dit qu’il savait ce qu’il avait à faire, et que, si je ne me taisais pas, il allait me faire prendre par deux gendarmes et me faire reconduire à Antibes.