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Monsieur de Saint-Mars le renvoya d’un air pensif, et le lendemain on trouva le pauvre garçon mort dans son lit.

Vers le même temps, le domestique qui servait l’homme au masque de fer étant trépassé, une pauvre femme se présenta pour le remplacer ; mais monsieur de Saint-Mars lui ayant dit qu’il fallait qu’elle partageât éternellement la prison du maître au service de qui elle allait entrer, et qu’à partir de ce jour elle cessât de voir son mari et ses enfans, elle refusa de souscrire à de pareilles conditions et se retira.

En 1698, l’ordre arriva à monsieur de Saint-Mars de transférer son prisonnier à la Bastille. On comprend que pour un voyage aussi long les précautions redoublèrent. L’homme au masque de fer fut placé dans une litière qui précédait la voiture de monsieur de Saint-Mars. Cette litière était entourée de plusieurs hommes à cheval qui avaient l’ordre de tirer sur le prisonnier à la moindre tentative qu’il ferait, ou pour parler, ou pour fuir. En passant à sa terre de Palteau, monsieur de Saint-Mars s’arrêta un jour et une nuit. Le dîner eut lieu dans une salle basse dont les fenêtres donnaient sur la cour. À travers ces fenêtres, on pouvait voir le geôlier et le captif prendre leurs repas. L’homme au masque de fer tournait le dos aux fenêtres. Il était de grande taille, vêtu de brun, et mangeait avec son masque, duquel s’échappaient par derrière quelques mèches de cheveux blancs. Monsieur de Saint-Mars était assis en face de lui, et avait un pistolet de chaque côté de son assiette ; un seul valet les servait et fermait la porte à double tour chaque fois qu’il entrait ou qu’il sortait.

Le soir, monsieur de Saint-Mars se fit dresser un lit de camp et coucha en travers de la porte, dans la même chambre que son prisonnier.

Le lendemain on repartit, et les mêmes précautions furent prises. Les voyageurs arrivèrent à la Bastille le jeudi 18 septembre 1698, à trois heures de l’après-midi. L’homme au masque de fer fut mis dans la tour de la Bazinière en attendant la nuit ; puis, la nuit venue, monsieur Dujonca le conduisit lui-même dans la troisième chambre de la tour de la Bertaudière, laquelle chambre, dit le journal de monsieur Dujonca, avait été meublée de toutes choses. Le sieur Ro-