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à peu près oublié cette prédiction, lorsque la sage-femme vint lui annoncer, à sept heures du soir, que, selon toutes les probabilités, la reine allait mettre au jour un second enfant. Louis XIII, qui avait senti la justesse du conseil du cardinal, réunit aussitôt l’évêque de Meaux, le chancelier, le sieur Honorat et la sage-femme, et leur dit, avec cet accent qui annonce qu’on est disposé à tenir ce que l’on promet, que le premier qui révélerait le mystère de son second accouchement paierait la révélation de sa tête. Les assistans jurèrent tout ce que le roi voulut, et à peine le serment était-il fait, que la reine, accomplissant la prophétie des bergers, accoucha d’un second dauphin, lequel fut remis à la sage-femme et élevé en secret, destiné qu’il était à remplacer le dauphin, si le dauphin venait à mourir, tandis que, au contraire, il était condamné d’avance à l’obscurité, si le dauphin continuait de vivre.

La sage-femme éleva le second dauphin comme son fils, le faisant passer aux yeux de ses voisines pour le bâtard d’un grand seigneur dont on lui payait grassement la pension. Mais à l’époque où l’enfant eut atteint sa sixième année, un gouverneur arriva chez dame Perronnette, c’était le nom de la sage-femme, et la somma de lui remettre l’enfant, qu’il devait continuer d’élever en secret, comme un fils de roi. L’enfant et le gouverneur partirent pour la Bourgogne.

Là, l’enfant grandit inconnu, mais cependant portant sur son visage une telle ressemblance avec Louis XIV, qu’à chaque instant le gouverneur tremblait qu’il ne fût reconnu. Le jeune homme atteignit ainsi l’âge de dix-neuf ans, effrayant son vieux mentor par les idées étranges qui lui passait parfois à travers la tête comme des éclairs. Lorsqu’un beau jour, au fond d’une cassette mal fermée et qu’on avait eu l’imprudence de laisser à sa portée, il trouva une lettre de la reine Anne d’Autriche, qui lui révélait sa véritable naissance. Quoique possesseur de cette lettre, le jeune homme résolut de se procurer une nouvelle preuve. Sa mère parlait de cette ressemblance miraculeuse avec Louis XIV, qui effrayait tant le pauvre gouverneur. Le jeune homme résolut de se procurer un portrait du roi son frère, afin de juger lui-même de cette ressemblance. Une servante d’auberge se