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En revenant vers notre bastide, nous aperçûmes de loin, debout sur le seuil de la porte, un beau moine carmélite à figure austère, à longue barbe grisonnante, couvert d’un manteau lévantin, et le corps entouré d’une ceinture arabe. Je doublai le pas, curieux de savoir ce qui me valait cette étrange visite. Le moine alors vint au devant de moi, et me saluant dans le plus pur romain, me présenta un livre sur lequel étaient inscrits les noms de Châteaubriand et de Lamartine. Ce livre était l’album du mont Carmel.

Voici l’histoire de ce moine ; il y en a peu d’aussi simples et d’aussi édifiantes.

En 1819, frère Jean-Baptiste[1], qui habitait Rome, reçut mission du pape Pie VII de partir pour la Terre-Sainte, et de voir, en sa qualité d’architecte, quel moyen il y aurait à employer pour rebâtir le couvent du Carmel.

Le Carmel, comme on le sait, est une des montagnes saintes ; ainsi que l’Horeb et le Sinaï, il a été visité par le Seigneur. Situé entre Tyr et Césarée, séparé seulement de Saint-Jean-d’Acre par un golfe, à cinq heures de distance de Nazareth, et à deux journées de Jérusalem : lors de la division des tribus, il échut en partage à Azer, qui s’établit à son septentrion, à Zabulon, qui s’empara de son orient, et à Issachar qui posa ses tentes au midi. Du côté de l’occident, la mer vient baigner sa base qui s’avance, fait une pointe entre les flots, et se présente de loin au pèlerin qui vient d’Europe, comme le point le plus avancé de la Terre-Sainte, sur lequel il puisse poser ses deux genoux.

Ce fut sur le sommet du Carmel qu’Elie donna rendez-vous aux huit cent cinquante faux prophètes envoyés par Achab, afin qu’un miracle décidait, aux yeux de tous, quel était le véritable Dieu, de Baal ou de Jehovah. Deux autels alors furent élevés sur la plateau de la montagne, et des victimes amenées à chacun d’un. Les faux prophètes crièrent à leurs idoles qui restèrent sourdes. Elle invoqua Dieu, et à peine s’était-il agenouillé, qu’une flamme descendit du ciel et dévora tout à la fois, non seulement le bois et la victime,

  1. Son nom laïque était Cassini : c’était un cousin issu de germain du célèbre géographe.