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la pierre de la carrière, ils ont écarri les charpentes, ils ont taillé les briques, forgé la serrurerie, cuit les tuiles, et laminé les plombs ; il n’y a que la verrerie qui leur est arrivée toute faite.

Au-dessus de Saint-Mandrier, au-dessus de la deuxième colline, s’élève la tour des signaux qui sert en même temps de tombeau à l’amiral de Latouche-Tréville.

En quittant Saint-Mandrier, nous traversâmes toute la rade et nous allâmes descendre au petit Gibraltar. C’est ce fort, comme on le sait, qui fut emporté par Bonaparte en personne, et dont la prise amena presqu’immédiatement la reddition de Toulon. Le vainqueur, en montant à l’assaut, y fut grièvement blessé d’un coup de baïonnette à la cuisse.

En revenant du petit Gibraltar, nous traversâmes toute la flotte du contre-amiral Massieu de Clairval ; elle se composait de six magnifiques vaisseaux : le Suffren, la Didon, le Nestor, le Duquesne, la Bellone et le Triton. Nous accostâmes ce dernier, car j’avais une visite à y rendre à un ami déjà célèbre alors, mais dont la célébrité s’est accrue depuis, grâce à un des plus beaux faits d’armes dont s’honore notre marine ; cet ami était le vice-amiral Baudin. Quant au fait d’armes, on a déjà nommé la prise de Saint-Jean-d’Ulloa.

Le vice-amiral n’était alors que capitaine, et commandait le Triton. C’était une de ces existences brisées par la restauration de 1815, et qui venaient de se reprendre à la révolution de 1830. Pendant ces quinze ans, le capitaine Baudin s’était réfugié dans la marine marchande ; et dans cette partie de sa carrière, je pourrais, si je le voulais, à défaut de belles actions, citer de bonnes actions.

Le capitaine Baudin nous fit les honneurs de son bâtiment avec cette grâce parfaite qui n’appartient qu’aux officiers de marine ; puis, en s’invitant à déjeuner le lendemain dans notre pente bastide, il mit à néant toutes les mauvaises raisons que nous lui donnions pour ne pas rester à dîner avec lui à bord ; il en résulta que nous quittâmes le Triton à huit heures du soir.

Je voudrais bien savoir ce qui empêcha les forçats, qui étaient douze, de nous prendre quelque vingt-cinq louis que nous avions dans nos poches, de nous jeter à la mer, Jadin,