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Je trouvai Jadin en marché avec un autre industriel qui vendait des cordons d’Alger : c’était un Arabe, qui nous raconta toute sa vie. Il était là pour avoir un peu tué deux juifs. Mais depuis ce temps, nous dit-il, la grâce de Dieu l’avait touché, et il s’était fait chrétien. — Parbleu, lui répondit Jadin, voilà un beau triomphe pour notre religion !

Nous avions commencé par les exceptions, mais nous en revînmes bientôt aux généralités.

Les forçats sont divisés en quatre classes : les indociles, les récidives, les intermédiaires, et les éprouvés.

Les indociles, comme l’indique leur nom, sont ceux dont il n’y a rien à faire ; ceux-là ont le bonnet vert, la casaque rouge et les deux manches brunes.

Ensuite viennent les récidives, qui ont le bonnet vert, une manche rouge et une manche brune.

Puis les intermédiaires, qui ont le bonnet et la casaque rouge.

Et enfin les éprouvés, qui ont la casaque rouge et le bonnet violet.

Les individus des trois premières classes sont enchaînés deux à deux ; ceux de la dernière n’ont que l’anneau autour de la jambe et pas de chaîne ; de plus, on leur distribue une demi-livre de viande les dimanches et les jours de fêtes, tandis que les autres ne sont nourris que de soupe et de pain.

Des chantiers et du port, nous passâmes dans les dortoirs : la couche des forçats est un immense lit de camp en bois, dont les deux extrémités sont en pierres. À l’extrémité inférieure qui forme rebord, sont scellés des anneaux ; c’est à ces anneaux que, chaque soir, on cadenasse la chaîne que les forçats traînent à la jambe ; la maladie ne la fait pas tomber, et le condamné à perpétuité vit, dort et meurt avec les fers.

À chaque issue du bagne, deux pièces de canon chargées à mitraille sont braquées jour et nuit.

Comme j’avais des lettres de recommandation pour le commissaire de marine, il me fit, lorsqu’il eut appris que je demeurais à une demi-lieue de Toulon, la gracieuseté de m’offrir, pour mon service particulier, pendant tout le temps