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chant de prendre un si grand plaisir à une distraction qu’il regardait comme mondaine.

Parvenu à l’âge de vingt-deux ans, il rêva une nuit qu’il était exposé nu dans la campagne, et qu’il lui tombait sur le corps une pluie d’eau glacée. L’impression fut telle qu’il se réveilla, et qu’en se réveillant il résolut de se donner à Dieu, cette pluie bienfaisante ayant, à ce qu’il assurait, éteint à tout jamais les passions dans son cœur.

Ce fut la première de ces visions qui lui devinrent depuis si fréquentes et si familières.

Le lendemain, qui était le 24 avril 1475, sans avertir ni parens ni amis, il s’enfuit à Bologne, et revêtit l’habit de Saint-Dominique.

Le jeune dominicain était déjà depuis quelques temps à Bologne, lorsque la guerre s’étant allumée entre Ferrare et Venise, on résolut de dégrever le couvent de ses bouches inutiles. Frère Jérôme Savonarole, dont rien n’avait pu faire encore apprécier le génie, fut du nombre des exilés. Il s’en vint alors à Florence, où il trouva l’occasion de prêcher tout un Carême dans l’église de San-Lorenzo ; mais, inexpérimenté qu’il était encore, il ne réussit ni pour la voix, ni pour le geste, ni pour l’éloquence ; alors il douta lui-même de la mission qu’il s’était cru appelé à remplir, et résolut de se borner à l’explication des saintes Écritures. Il se retira donc dans un couvent de Lombardie, où il comptait rester éternellement, lorsqu’il fut redemandé à Florence, par Laurent de Médicis. Le jeune Pic de la Mirandole avait suivi les prédications de frère Jérôme, et à travers l’embarras de l’élocution, la gaucherie du geste, il avait reconnu l’accent de l’inspiré et le regard sombre et profond de l’homme de génie.

Mais déjà il s’était fait un progrès immense dans Savonarole ; le temps qu’il avait passé en Lombardie avait été employé par lui à des études d’éloquence, et lorsqu’il revint à Florence, il commençait à croire de nouveau que Dieu l’avait choisi pour parler aux peuples par sa voix. Ses premiers essais le confirmèrent dans cette croyance.

D’ailleurs le temps était bon pour s’ériger en prophète, l’Italie était pleine de factions, et l’Église de scandales. In-