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— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! lui dit-elle, qu’as-tu fait, ma pauvre enfant ? tu t’es coupée ?

— Oh ! maman, maman, répondit l’enfant en secouant sa petite main et en faisant tout ce qu’elle pouvait pour retenir ses larmes, ne me gronde pas ; c’est un gros vilain couperet qui m’a mordue.

— Un couperet ! s’écria la mère.

La figure de Coquelin devint livide de pâleur. Et, fermant avec soin la porte de l’arrière-boutique, dont il mit la clef dans sa poche :

— Ce n’est rien, ce n’est rien, dit-il d’une voix tremblante. Voici du taffetas d’Angleterre ; pansez-la vous-même ; moi, j’ai la main trop lourde.

Et avec un empressement extraordinaire, Coquelin présenta à la jeune femme une tasse pleine d’eau, et se tint à genoux devant l’enfant, tandis que sa mère lui lavait le doigt et appliquait sur la coupure un morceau de taffetas d’Angleterre.

— Elle aura mis la main imprudemment sur quelque couteau de cuisine, dit la jeune femme un peu rassurée. Ces malheureux enfans fourrent la main partout.

— Oh ! citoyenne, répondit Coquelin, j’en suis bien fâché : car j’aurais dû y veiller ; c’est ma faute. Mais mademoiselle Louise est légère comme une biche.

— Et étourdie comme un hanneton, dit la jeune femme avec un triste et doux sourire.

Ce sourire, si passager qu’il eût été, rendit Coquelin expansif. Il regretta de n’avoir pas une chaise, pas un tabouret à présenter à la citoyenne et à sa fille. Sa conversation était celle d’un homme qui a peu d’idées, et une certaine ténacité de caractère, ce qui va presque toujours ensemble. D’ailleurs, sa phrase était courte, saccadée, inattendue, et il la débitait avec un accent montagnard. De son côté, la jeune femme commençait à s’habituer à cet homme, qui avait commencé par lui inspirer une répugnance dont elle ne se rendait pas compte. Aussi lui fit-elle, à son tour, quelques questions.

— Et ce que vous faites-là suffit à vos besoins ? lui demanda-t-elle.