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qu’à lui et causaient sa répugnance ; mais enfin quelle qu’en fût la cause, cette répugnance existait. Giordano Orsini se tenait la plus grande partie de l’année à Rome, laissant, quelles, que fussent ses plaintes, sa femme rester de son côté à la cour de Toscane. Un tel abandon devait porter des fruits adultères. Jeune, belle, passionnée, au milieu d’une des cours les plus galantes du monde, Isabelle ne tarda point à faire oublier, sous des accusations nouvelles, la vieille accusation qui l’avait tachée. Cependant Giordano Orsini se taisait, car Cosme vivait toujours, et tant que Cosme était vivant, il n’eût point osé se venger de sa fille. Mais Cosme mourut en 1574.

Giordano Orsini avait laissé en quelque sorte sa femme sous la garde d’un de ses proches parens nommé Troilo Orsini, et depuis quelque temps, ce gardien de son honneur lui écrivait qu’Isabelle menait une conduite régulière et telle qu’il la pouvait désirer, de sorte qu’il avait presque renoncé à ses projets de vengeance, — lorsque, dans une querelle particulière et sans témoins, Troilo Orsini tua d’un coup de poignard Lelio Torello, page du grand-duc François, ce qui le força de fuir. Alors on sut pourquoi Orsini avait tué Torello. — Ils étaient tous deux amans d’Isabelle, et Orsini voulait être seul.

Giordano Orsini apprit à la fois la double trahison de son parent et de sa femme. Il partit aussitôt pour Florence et y arriva comme Isabelle, qui craignant le sort de sa belle-sœur, Éléonore de Tolède, assassinée il y avait cinq jours, se préparait à quitter la Toscane et à s’enfuir près de Catherine de Médicis, reine de France. Mais l’apparition inattendue de son mari l’arrêta court au milieu de ses dispositions.

Cependant, à la première vue, Isabelle se rassura ; Giordano Orsini paraissait revenir à elle plutôt comme un coupable que comme un juge. Il lui dit qu’il avait compris que toutes les fautes étaient de son côté, et que, désireux de vivre désormais d’une vie plus heureuse et plus régulière, il venait lui proposer d’oublier les torts qu’il avait eus, comme de son côté il oublierait ceux qu’elle avait pu avoir. Le marché, dans la situation où était Isabelle, était trop avanta-