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ché. Cependant, au bout de quelques jours, voyant que Cosme ne parlait pas plus de son fils mort que s’il n’eût jamais existé, elle encouragea le meurtrier à aller se jeter aux genoux de son père et à lui demander pardon. Mais, comme le jeune homme tremblait de tous ses membres à la seule idée de se trouver en face de son juge, pour le rassurer sa mère l’accompagna.

Le grand-duc était assis, tout pensif, dans un des appartemens les plus reculés de son palais.

Le fils et la mère parurent sur le seuil, Cosme se leva à leur vue. Aussitôt Garcias courut à son père, se jeta à ses pieds, embrassant ses genoux et lui demandant pardon. La mère resta sur la porte, tendant les bras à son mari. Cosme avait la main enfoncée dans son pourpoint ; il en tira un poignard qu’il avait l’habitude de porter sur sa poitrine, et en frappa don Garcias, en disant : — Je ne veux pas de Caïn dans ma famille. La pauvre mère avait vu briller la lame, et elle s’était élancée vers Cosme. Mais, à moitié du chemin, elle reçut dans ses bras son fils qui, blessé à mort, s’était relevé en chancelant et en criant : — Ma mère ! ma mère !…

Le même jour, 6 décembre 1562, don Garcias expira.

Et à compter de ce moment où il fut trépassé, Éléonore de Tolède se coucha près de son fils, ferma les yeux et ne voulut plus les rouvrir. Huit jours après, elle expira elle-même, les uns disent de douleur, les autres de faim.

Les trois cadavres rentrèrent nuitamment et sans pompe dans la ville de Florence, et l’on dit que les deux fils et la mère avaient été emportés tous trois par le mauvais air des Maremmes.

Ce nom d’Éléonore de Tolède était un nom qui portait malheur. La fille de don Garcias, parrain du jeune fratricide et frère de cette autre Éléonore de Tolède dont nous venons de raconter la mort, était venue toute jeune à la cour de sa tante ; et là, elle avait fleuri sous le doux soleil de la Toscane, comme une de ces fleurs qui ont donné leur nom à Florence. On disait même tout bas à la cour que le grand-duc Cosme s’était épris d’un violent amour pour elle. Et comme on connaissait les amours du grand-duc, on ajoutait qu’il