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tionnait ; mais par déférence pour les désirs de sa fille, jolie enfant de six ans, à la tête de chérubin, qui, chaque fois qu’elle passait devant ta boutique, tirait sa mère par la main, afin qu’elle s’arrêtât, et fixait ses grands yeux bleus sur les chefs-d’œuvre du bonhomme. Quant à sa mère, qu’à son teint pâle et à ses longs cheveux blonds on pouvait reconnaître pour une fleur étrangère à la chaude atmosphère provençale, elle trouvait son enfant si heureuse à la vue de la table de Coquelin, que le bonheur de sa fille était presque un adoucissement au chagrin profond qui paraissait la dominer, et qu’elle ne s’arrachait qu’après une pause, d’une demi-heure quelquefois, à la contemplation journalière des cartonnages du faiseur de jouets d’enfans.

Coquelin avait l’esprit et l’œil fort peu curieux, mais il avait pourtant fini par remarquer cette femme et cet enfant auxquels, malgré son manque absolu d’éducation, il faisait un signe de tête assez amical, qui rassurait la mère et enhardissait la fille.

Un jour, la jeune femme demanda à Coquelin le prix d’une jolie maisonnette en carton dont le toit simulait parfaitement les tuiles, et qui avait des contrevens peints en vert. L’enfant sautait de joie en frappant les mains l’une contre l’autre à l’idée que sa mère allait lui acheter cette jolie maison. Coquelin examina le travail de l’objet demandé, et après avoir réfléchi un instant, il prononça ces paroles : Trois francs. C’étaient les seules que la jeune femme lui avait jamais entendu dire. Elle posa le prix de l’estimation sur la table, car Coquelin n’avait point tendu la main vers elle pour recevoir l’argent, et la petite fille, toute radieuse de joie et d’orgueil, emporta le superbe joujou.

Le lendemain, soit que l’enfant, satisfaite de son acquisition de la veille, n’eût conservé aucun désir pour les autres jouets que renfermait la boutique de Coquelin, soit que la jeune femme fût retenue loin de la rue du Petit-Mazeau par cette affaire qui la rendait si triste, ni la mère ni la fille ne parurent.

Jusqu’à l’heure où elles avaient l’habitude de s’arrêter de vaut sa boutique, Coquelin demeura fort tranquille, se livrant assidûment à ses occupations habituelles. Lorsque