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avait pour le moment à la maison, ordonna à un de ses domestiques nommé Freccia de le suivre, et sans autre suite que le sbire et lui, il s’en alla, grâce à une licence qu’il avait demandée d’avance dans la journée à l’évêque de Marzi, prendre des chevaux à la poste, et, sans s’arrêter et tout d’une haleine, il s’en alla jusqu’à Bologne, où seulement il s’arrêta pour panser sa main, dont les deux doigts étaient presque détachés, et qui cependant, reprirent, mais en laissant une cicatrice éternelle. Puis, remontant à cheval, il gagna Venise, où il arriva dans la nuit du lundi. Aussitôt arrivé, il fit appeler Philippe Strozzi qui, exilé depuis quatre ou cinq ans, était à cette heure à Venise. Alors, lui montrant la clef de sa chambre : — Tenez, lui dit-il, vous voyez cette clef ! eh bien, elle ferme la porte d’une chambre où est le cadavre du duc Alexandre, assassiné par moi. Philippe Strozzi ne voulait pas croire une pareille nouvelle ; mais le meurtrier, tirant de sa valise ses vêtemens tout ensanglantés, et lui montrant sa main mutilée : — Tenez, lui dit-il, en voilà la preuve.

Alors Philippe Strozzi se jeta à son cou en l’appelant le Brutus de Florence, et en lui demandant la main de ses deux sœurs pour ses deux fils.

C’est dans une maison attenante au palais Riccardi, que Laurent poignarda ainsi, à l’aide du spadassin Scoronconcolo, le duc Alexandre, frère naturel de Catherine de Médicis, premier duc de Florence et dernier descendant de Cosme, le Père de la patrie, car le pape Clément VII était mort en 1534, et le cardinal Hippolyte en 1535 ; et à l’occasion de cet assassinat on remarqua une chose étrange, qui était la sextuple combinaison du nombre six : Alexandre ayant été assassiné en l’année 1536, à l’âge de 26 ans, le 6 du mois de janvier, à 6 heures de la nuit, de 6 blessures, et après avoir régné 6 ans.

La maison dans laquelle il fut assassiné était située à l’endroit même où sont aujourd’hui les écuries.

Au reste, le proverbe évangélique : « Qui frappe de l’épée périra par l’épée, » fut appliqué à Lorenzo dans sa rigoureuse exactitude. Lorenzo, qui avait tué par le poignard, mourut par le poignard, à Venise, vers l’an 1557, sans que l’on fût bien certain de quelle main partait le coup ; seule-