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jour, si le duc n’était point sorti, le Hongrois pouvait retourner au palais. Mais lui, qui était familier avec ces sortes d’aventures, se garda bien d’attendre le jour, et dès qu’il vit le duc entrer dans la maison de Lorenzo, qu’il savait être son ami, il s’en revint au palais, se jeta selon son habitude sur un matelas qu’on lui étendait chaque soir dans la chambre du duc, et s’y endormit.

Pendant ce temps le duc était monté dans la chambre de Lorenzo, où brûlait un bon feu et où l’attendait le maître de la maison. Alors il détacha son épée et alla s’asseoir sur le lit. Aussitôt Lorenzo prit l’épée, et roulant autour d’elle le ceinturon qu’il passa deux fois dans la garde, afin que le duc ne la pût tirer du fourreau, il la posa au chevet du lit, en disant au duc de prendre patience et qu’il allait lui amener celle qu’il attendait. À ces mots, il sortit, tira la porte après lui, et comme la porte était de celles qui se ferment avec un ressort, le duc sans s’en douter se trouva prisonnier.

Lorenzo avait donné rendez-vous à Scoronconcolo à l’angle de la rue, et Scoronconcolo, fidèle à la consigne, était à son poste. Alors Lorenzo, tout joyeux, alla à lui, et lui frappant sur l’épaule :

— Frère, lui dit-il, l’heure est venue. Je tiens enfermé dans ma chambre cet ennemi dont je t’ai parlé ; es-tu toujours dans l’intention de m’en défaire ?

— Marchons ! fut la seule réponse du sbire ; et tous deux rentrèrent dans la maison. Arrivé à moitié de l’escalier, Lorenzo s’arrêta :

— Ne fais pas attention, dit-il en se retournant vers Scoronconcolo, si cet homme est l’ami du duc, et ne m’abandonne pas.

— Soyez tranquille, dit le sbire.

Sur le palier, Lorenzo s’arrêta de nouveau :

— Quel qu’il soit, entends-tu bien ? ajouta-t-il en s’adressant une dernière fois à son acolyte.

— Quel qu’il soit, répondit avec impatience Scoronconcolo, fût-ce le duc lui-même.

— Bien, bien, murmura Lorenzo en tirant son épée et en la mettant nue sous son manteau ; et il ouvrit la porte dou-