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fidèle à la mission originelle de tout concours, l’avait donné d’abord à celui qui ne le méritait pas.

L’ouvrage dura quarante ans, dit Vasari, c’est-à-dire un an de moins que n’avait vécu Masaccio, un an de plus que ne devait vivre Raphaël. Lorenzo, qui l’avait commencé plein de jeunesse et de force, l’acheva vieux et courbé. Son portrait est celui de ce vieillard chauve qui, lorsque la porte est fermée, se trouve dans l’ornement du milieu ; toute une vie d’artiste s’était écoulée en sueurs, et était tombée goutte à goutte sur ce bronze !…

Quant à l’autre porte, qui fut donnée à Ghiberti en récompense de la première, ce ne fut plus qu’un jeu pour lui, car il n’avait qu’à imiter André de Pise, qu’on avait regardé jusqu’alors comme inimitable.

C’est en sortant du Baptistère par cette porte du milieu, où sont attachées les chaînes du port de Pise, — malheureuses chaînes que se sont partagées tour à tour les Génois et les Florentins, — que l’on découvre, dans toute sa majestueuse hardiesse, le Campanile de Giotto. Ce merveilleux monument, solide comme une tour et découpé comme une dentelle, si léger, si beau, si brillant, que Politien l’a chanté en vers latins, que Charles V disait qu’on le devrait mettre sous verre pour ne le montrer que les jours de grande fête, et qu’on dit encore aujourd’hui à Florence : Beau comme le Campanile, pour indiquer toute chose si splendide qu’il lui manque un terme de comparaison.

Giotto avait ménagé des niches qui furent remplies par Donatello. Six statues sont de ce maître ; l’une d’elles, celle qui représente le frère Barduccio Cherichini, plus connu sous le nom de dello Zuccone, à cause de sa calvitie, est un chef-d’œuvre de naturel et de modelé. Du point où on l’examine, c’est la perfection grecque réunie au sentiment chrétien ; aussi l’on raconte que lorsque Donatello accompagna sa statue bien-aimée de son atelier au Campanile, confiant dans son génie, et croyant que le Dieu des chrétiens lui devait le même miracle que Jupiter avait fait pour Pygmalion, il ne cessa, tout le long de la route, de lui répéter à demi voix : — Favella ! favella ! — Parle, mais parle donc !