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six mille mosquées, ses neuf cents bains publics, ses deux cent mille maisons, et son palais de Zehra, dont les murs et les escaliers, incrustés d’acier et d’or, étaient soutenus par mille colonnes des plus beaux marbres de Grèce, d’Afrique et d’Italie.

Cependant, tandis que tant de sang infidèle et étranger s’injectait dans ses veines, l’Espagne n’avait point cessé de sentir battre, dans les Asturies, son cœur national et chrétien. Pélage, qui n’eut d’abord pour empire qu’une montagne, pour palais qu’une caverne, pour sceptre qu’une épée, avait jeté au milieu du kalifat d’Abdalrahman les fondemens du royaume de Charles-Quint. La lutte, commencée en 717, s’était continuée pendant cinq cents ans. Et lorsqu’au commencement du XIIIe siècle, Ferdinand réunit sur sa tête les deux couronnes de Léon et de Castille, c’étaient les Musulmans à leur tour qui ne possédaient plus en Espagne que le royaume de Grenade, une partie de l’Andalousie, et les provinces de Valence et de Murcie.

Ce fut en 1236 que Ferdinand fit son entrée à Cordoue, et qu’après avoir purifié la principale mosquée, le roi de Castille et de Léon alla se reposer de ses victoires dans le magnifique palais qu’Abdalrahman III avait fait bâtir pour sa favorite. Entre autres merveilles, il trouva dans la capitale du kalifat une bibliothèque qui contenait six cent mille volumes. Ce que devint ce trésor de l’esprit humain, nul ne le sait. Origine, religion, mœurs, tout était différent entre les vainqueurs et les vaincus ; ils ne parlaient la même langue ni aux hommes ni à Dieu. Les Musulmans emportèrent avec eux la clef qui ouvrait la porte des palais enchantés ; et l’arbre de la poésie arabe, arraché de la terre de l’Andalousie, ne fleurit plus que dans les jardins du Généralif et de l’Alhambra.

Quant à la poésie nationale, dont le premier chant devait être la louange du Cid, elle n’était pas encore née.

La France, toute germanique sous ses deux premières races, s’était nationalisée sous sa troisième. Le système féodal de Hugues-Capet avait succédé à l’empire unitaire de Charlemagne. La langue que devait écrire Corneille et parler Bossuet, mélange de celtique, de teuton, de latin