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nument. Jean Hawkwood était au contraire assez peu respectueux envers les gens de sa religion, et d’avance sentait son hérétique d’une lieue. Un jour, deux frères convers étant allés lui faire une visite dans son château de Montecchio :

— Dieu vous donne la paix ! lui dit un des deux moines.

— Le diable t’enlève ton aumône ! lui répondit Hawkwood.

— Pourquoi nous faites-vous un si cruel souhait ? demanda alors le pauvre frère tout ébouriffé d’une pareille réflexion.

— Eh ! pardieu ! répondit Hawkwood, ne savez-vous donc pas que je vis de la guerre ? et que la paix que vous me souhaitez me ferait mourir de faim.

Un autre jour, ayant abandonné le sac de Faenza à ses gens, il entra dans un couvent au moment où deux de ses plus braves officiers, se disputant une pauvre religieuse agenouillée au pied d’un crucifix, venaient de mettre l’épée à la main pour savoir celui des deux auquel elle appartiendrait. Hawkwood n’essaya point de leur faire entendre raison ; il savait bien que c’était chose inutile avec les gens à qui il avait affaire. Il alla droit à la religieuse et la poignarda. Le moyen fut efficace, et à l’aspect du cadavre, les deux capitaines remirent leur épée au fourreau.

Aussi Paul Uccello, à qui la peinture qui devait surmonter la tombe avait été confiée, se garda bien de mettre le simulacre de l’illustre mort dans la posture du repentir ou de la prière ; il le planta bravement sur son cheval de bataille, à qui, au grand désappointement des savans, il fit lever à la fois le pied droit de devant et le pied droit de derrière. Pendant trois siècles et demi en effet, les savans discutèrent sur l’impossibilité de cette allure, qui, dirent-ils, dans tout le genre animal n’appartient qu’à l’ours. Ce ne fut qu’il y a quelques années, qu’un membre du Jockey-Club s’écria en apercevant la fresque de Paolo :

— Tiens ! il marche l’amble !

Cette exclamation mit les savans d’accord.

À quelques pas en avant de Hawkwood est un portrait de Dante ; c’est l’unique monument que la république ait jamais consacré à l’Homère du moyen-âge.