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avec un goût parfait, des plus beaux meubles de caprice qu’il y ait dans tout Florence, illuminé a giorno, comme on dit en Italie, et s’ouvrant par toutes ses portes et par toutes ses fenêtres sur un jardin anglais, dont chaque arbre porte, au lieu de fruits, des centaines de lanternes de couleur. Sous tous les berceaux de ce jardin, des groupes de chanteurs ou d’instrumentistes, et dans les allées cinq cents personnes qui se promènent, et qui vont tour à tour alimenter un bal, qu’on voit bondir joyeusement de loin dans une serre pleine d’orangers et de camélias.

À part quelques concerts à la Philharmonique, quelques soirées improvisées par un anniversaire de naissance ou une fête patronale, quelques représentations extraordinaires d’opéra à la Pergola, ou de prose au Cocomero, voilà Florence l’été quant à l’aristocratie. Quant au peuple, il a les églises, les processions, les promenades au Parterre, et ses causeries dans les rues et à la porte des cafés qui ne se ferment ni jour ni nuit ; s’accrochant au reste à tout ce qui a l’apparence d’une fête, avec un laisser-aller plein de paresse et de bonhomie ; saisissant chaque plaisir qui passe sans s’inquiéter de le fixer, et le quittant comme il l’a pris pour en attendre un autre. Un soir, nous entendîmes un grand bruit ; deux ou trois musiciens de la Pergola, en sortant du théâtre, avaient eu l’idée de s’en aller chez eux en jouant une valse ; la population éparse par les rues s’était mis à les suivre en valsant. Les hommes qui n’avaient point trouvé de danseuses valsaient entre eux. Cinq ou six cents personnes prirent ainsi le plaisir du bal depuis la place du Dôme jusqu’à la porte du Prato où demeurait le dernier musicien ; le dernier musicien rentré chez lui, les valseurs revinrent bras dessus, bras dessous, en chantant l’air sur lequel ils avaient valsé.