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présenté, l’étranger est invité pour toujours, et dès lors il vient seul à ces soirées princières, et cela avec plus de liberté qu’il n’irait à un bal de la Chaussée-d’Antin ; car, comme il est d’étiquette de point adresser la parole au grand-duc qu’il ne prenne l’initiative, et que, malgré son attentive affabilité, le grand-duc ne peut causer avec tout le monde, l’invité vient, boit, mange, et s’en va, sans être forcé de parler à personne ; c’est-à-dire, moins la carte, comme il ferait dans une magnifique hôtellerie.

Florence a donc deux aspects : son aspect d’été, son aspect d’hiver. Il faut en conséquence être resté un an à Florence, ou y être passé à deux époques opposées, pour connaître la ville des fleurs sous sa double face.

L’été, Florence est triste et à peu près solitaire : de huit heures du matin à quatre heures du soir, le vingtième de sa population à peine circule sous un soleil de plomb, dans ses rues aux portes et aux fenêtres fermées ; on dirait une ville morte, et visitée par des curieux seulement, comme Herculanum et Pompeïa. À quatre heures, le soleil tourne un peu, l’ombre descend sur les dalles ardentes et le long des murailles rougies, quelques fenêtres s’entrebâillent timidement pour recueillir quelques souffles de brise. Les grandes portes s’ouvrent, les calèches découvertes en sortent toutes peuplées de femmes et d’enfans, et s’acheminent vers les Cachines. Les hommes, en général, s’y rendent à part, en tilbury, à cheval ou à pied.

Les Cachines (j’écris le mot comme il se prononce), c’est le bois de Boulogne de Florence, moins la poussière, et plus la fraîcheur. On s’y rend par la porte del Prato, en suivant une grande allée d’une demi-lieue à peu près, toute plantée de beaux arbres. Au bout de cette allée, se trouve un casino appartenant au grand-duc. Devant ce casino, une place qu’on appelle le Piazzonne ; quatre allées aboutissent à cette place, et offrent aux voitures des dégagemens parfaitement ménagés.

Les Cachines forment deux promenades : la promenade d’été, la promenade d’hiver. L’été, on se promène à l’ombre ; l’hiver au soleil ; l’été au Pré, l’hiver à Longo-l’Arno.

L’une et l’autre de ces promenades sont essentiellement