Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivre, toute particulière à Florence, qu’excepté la fabrication des chapeaux de paille, que les jeunes filles tissent tout en marchant par les rues ou tout en voyageant par les grandes routes, l’industrie et le commerce sont à peu près nuls. Et ici ce n’est point encore la faute du grand-duc ; tout essai est encouragé par lui, soit de son argent, soit de sa faveur. À défaut de Toscans aventureux, il appelle des étrangers, et les récompense de leurs efforts industriels sans exception aucune de nationalité. M. Larderel a été nommé comte de Monte-Cerboli pour avoir établi une exploitation de produits boraciques ; M. Demidoff a été fait prince de San-Donato pour avoir fondé une manufacture de soieries. Et que l’on ne s’y trompe point, cela ne s’appelle pas vendre un titre, cela s’appelle le donner, et le donner noblement, pour le bien d’un pays tout entier.

On comprend qu’avec cette absence de fabriques indigènes, on ne trouve à peu près rien de ce dont on a besoin chez les marchands toscans ; les quelques magasins un peu comfortablement organisés de Florence sont des magasins français qui tirent tout de Paris ; encore les élégans Florentins s’habillent-ils chez Blin, Humann on Vaudeau, et les lionnes Florentines se coiffent-elles chez mademoiselle Baudran.

Aussi à Florence faut-il tout aller chercher, rien ne vient au devant de vous ; chacun reste chez soi, toute chose demeure à sa place. Un étranger qui ne resterait qu’un mois dans la capitale de la Toscane en emporterait une très-fausse idée. Au premier abord, il semble impossible de se rien procurer des choses les plus indispensables, ou celles qu’on se procure sont mauvaises ; ce n’est qu’à la longue qu’on apprend, non pas des habitans du pays, mais d’autres étrangers qui sont depuis plus longtemps que vous dans la ville, où toute chose se trouve. Au bout de six mois, on fait encore chaque jour de ces sortes de découvertes ; si bien que l’on quitte ordinairement la Toscane au moment où l’on allait s’y trouver à peu près bien. Il en résulte que chaque fois qu’on y revient on s’y trouve mieux, et qu’au bout de trois ou quatre voyages, on finit par aimer Florence comme une seconde patrie et souvent par y demeurer tout à fait.