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globe flottait l’étendard de Florence, qui, au moment du combat, était confié à celui qu’on estimait le plus brave. Au-dessous, un Christ en croix semblait bénir l’armée de ses bras étendus. Une cloche, suspendue près de lui, rappelait vers un centre commun ceux que la mêlée dispersait ; et le pesant attelage, ôtant au Carroccio tout moyen de fuir, forçait l’armée, soit à l’abandonner avec honte, soit à le défendre avec acharnement. C’était une invention d’Eribert, archevêque de Milan, qui, voulant relever l’importance de l’infanterie des communes, afin de s’opposer à la cavalerie des gentilshommes, en avait fait usage pour la première fois dans la guerre contre Conrad-le-Salique. Aussi était-ce au milieu de l’infanterie, dont le pas se réglait sur celui des bœufs, que roulait cette lourde machine. Celui qui la conduisait était un vieillard de soixante-dix ans, nommé Jean Tornaquinci ; et sur la plate-forme du Carroccio, réservée aux plus vaillans, étaient ses sept fils, auxquels il avait fait jurer de mourir tous avant qu’un seul ennemi touchât cette arche d’honneur du moyen-âge. Quant à la cloche, elle avait été bénie, disait-on, par le pape Martin, et en l’honneur de son parrain elle s’appelait Martinella.

Le 4 septembre, au point du jour, l’armée se trouva sur le monte Aperto, colline située à cinq milles de Sienne, vers la partie orientale de la ville : elle découvrit alors dans toute son étendue la cité qu’elle espérait surprendre. Aussitôt un évêque presque aveugle monta sur la plate-forme du Carroccio, et dit la messe, que toute l’armée écouta solennellement à genoux et la tête découverte ; puis le saint sacrifice achevé, il détacha l’étendard de Florence, le remit aux mains de Jacopo del Vacca de la famille des Pazzi, et revêtant lui même une armure, il alla se placer dans les rangs de la cavalerie ; il y était à peine que la porte de San-Vito s’ouvrit suivant la promesse faite. La cavalerie allemande en sortit la première, derrière elle venait celle des émigrés florentins, commandée par Farinata ; ensuite parurent les citoyens de Sienne avec leurs vassaux formant l’infanterie, en tout 13,000 hommes. Les Florentins virent qu’ils étaient trahis ; mais ils comparèrent aussitôt leur armée à celle qui se développait sous leurs yeux, et songeant qu’ils étaient trois contre un,