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marche par les rues de Florence, précédé du vieux père de Buondelmonte, qui, vêtu de deuil, et monté sur un cheval caparaçonné de noir, criait de temps en temps d’une voix sourde : Vengeance ! vengeance ! vengeance !

À la vue de ce cadavre ensanglanté, à la vue de cette belle veuve pleurante et les cheveux épars, à la vue de ce père qui précédait le cercueil de l’enfant qui aurait dû suivre le sien, les esprits s’exaltèrent et chaque maison noble prit parti selon son opinion, son alliance ou sa parenté. Quarante-deux familles du premier rang se firent Guelfes, c’est à-dire Papistes, et prirent le parti de Buondelmonte ; vingt-quatre se déclarèrent Gibelins, c’est-à-dire Impérialistes, et reconnurent les Uberti pour leurs chefs. Chacun rassembla ses serviteurs, fortifia ses palais, éleva ses tours, et pendant trente-trois ans la guerre civile, se renfermant dans les murs de Florence, courut échevelée par ses rues et par ses places publiques.

Cependant les Gibelins qui, comme on l’a vu, étaient numériquement les plus faibles de près de moitié, désespérant de vaincre s’ils étaient réduits à leurs propres forces, s’adressèrent à l’empereur, qui leur envoya seize cents cavaliers allemands. Cette troupe s’introduisit furtivement dans la ville par une des portes appartenant aux Gibelins, et la nuit de la Chandeleur 1248, le parti guelfe vaincu fut forcé d’abandonner Florence.

Alors les vainqueurs, maîtres de la ville, se livrèrent à ces excès qui éternisent les guerres civiles. Trente-six palais furent démolis et leurs tours abattues ; celle des Toringhi, qui dominait la place du vieux Marché, et qui s’élevait, toute couverte de marbre, à la hauteur de cent vingt brassées, minée par sa base, croula comme un géant foudroyée. Le parti de l’empereur triompha donc en Toscane, et les Guelfes restèrent exilés jusqu’en 1231, époque de la mort de Frédéric II.

Cette mort produisit une réaction ; les Guelfes furent rappelés, et le peuple reprit une partie de l’influence qu’il avait perdue. Un de ses premiers réglemens fut l’ordre de détruire les forteresses derrière lesquelles les gentilshommes bravaient les lois. Un rescrit enjoignit aux nobles d’abaisser