Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraître craindre, c’était avouer qu’on pouvait céder : d’ailleurs cette occasion qu’elle avait tant désirée, de faire lever le ban de son mari, venait se présenter d’elle-même ; c’eût donc été mériter sa proscription que de ne pas en profiter.

Bianca voulait rester debout devant le prince, mais ce fut lui qui la fit asseoir et qui demeura appuyé sur son fauteuil, la regardant et l’écoutant. La jeune femme n’eut besoin que de laisser parler ses souvenirs pour être intéressante : elle lui raconta tout, depuis ses jeunes et fraîches amours jusqu’à son arrivée à Florence. Là elle s’arrêta ; en allant plus loin, elle eût été forcée de parler au prince de lui-même, et il y avait certaine histoire d’un bouquet tombé par la fenêtre qui, tout innocente qu’elle était, n’aurait pas laissé de lui causer quelque embarras.

Le prince était trop heureux pour ne pas tout promettre. Le sauf-conduit tant désiré fut accordé à l’instant même, mais à la condition cependant que Bianca viendrait le prendre elle-même. C’eût été perdre une grande faveur pour une bien petite formalité. Bianca promit à son tour ce que demandait le prince.

Francesco connaissait trop bien les femmes pour avoir parlé le premier jour d’autre chose que de l’intérêt qu’il éprouvait pour Bianca. Ses yeux avaient bien quelque peu démenti sa bouche, mais le moyen d’en vouloir à des yeux qui vous regardent parce qu’ils vous trouvent belle !

À peine le prince fut-il sorti que la comtesse rentra. Bianca, en l’apercevant, courut à elle et se jeta à son cou. La Mondragone n’eut pas besoin d’autre explication pour comprendre que sa petite trahison lui était pardonnée.

Le lecteur voit que nous nous approchons du cardinal Ferdinand, puisque nous en sommes déjà à son frère.

La belle-mère ne sut rien de ce qui s’était passé, et Bonaventuri sut seulement qu’il aurait le sauf-conduit. Cette nouvelle parut lui causer une si grande joie, que, certes, si Bianca eût su le rendre heureux à ce point, elle n’eût pas trouvé que c’était l’acheter trop cher que d’être forcée de le recevoir elle-même des mains d’un jeune et beau prince. Elle attendit donc avec impatience le moment où elle reverrait le grand-duc, tant elle se fit une fête de rapporter de