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licieux petit boudoir dont les fenêtres donnaient sur un jardin ; là elle força la jeune fille à s’asseoir, et tirant d’un stipo tout marqueté d’ivoire une parure complète de diamans, elle lui montra toutes ces richesses féminines qui, du temps de Cornélie déjà, avaient perdu tant de cœurs de femmes ; puis, les lui mettant sur les genoux, et poussant sa chaise devant une des plus grandes glaces qui eussent été faites à Venise : Essayez tout cela, lui dit-elle, moi je vais vous chercher un costume que je viens de faire faire à la mode de votre pays, et sur lequel je désire avoir votre opinion. — Et à ces mots, sans attendre la réponse de Bianca, elle sortit vivement.

Une femme n’est jamais seule quand elle est avec des bijoux, et la Mondragone laissait Bianca en tête à tête avec les plus beaux diamans qu’elle eût jamais vus. Le serpent connaissait son métier, et savait quelle pomme il fallait offrir à cette fille d’Eve pour qu’elle y mordit.

Aussi à peine la comtesse fut-elle sortie, que Bianca se mit à l’œuvre. Bracelets, pendans d’oreilles, diadèmes, tout trouva sa place ; elle achevait d’agrafer un superbe collier à son cou, lorsqu’elle vit derrière elle une autre tête réfléchie dans la glace ; elle se leva vivement et se trouva en face du grand-duc Francesco, qui venait d’entrer par une porte dérobée. Alors, avec cette rapidité d’esprit qui la caractérisait, elle comprit tout : rougissant de honte, elle porta les mains à son front, et se laissant tomber sur ses deux genoux :

— Monseigneur ! lui dit-elle, je suis une pauvre femme qui n’ai pour tout bien que mon honneur, qui n’est même plus à moi, mais à mon mari : au nom du ciel, ayez pitié de moi !

— Madame, dit le duc en la relevant, qui vous a donné de moi cette cruelle idée ? Rassurez-vous, je ne suis point venu pour porter atteinte à votre honneur, mais pour vous consoler et vous aider dans votre infortune. Mondragone m’a dit quelque chose de vos aventures ; racontez-les-moi tout entières, et je vous promets de vous écouter avec autant d’intérêt que de respect.

Bianca était prise : reculer, c’était paraître craindre, et