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vait poussée dans la mauvaise fortune ; mais elle était jeune et belle, et le mal produit par le hasard, le hasard pourrait le réparer. La jeunesse a des horizons immenses et inconnus dans lesquels elle distingue des choses que l’enfance ne voit pas encore et que la vieillesse ne voit plus.

Quant à la mère de Bonaventuri, elle admirait sa fille à mains jointes, comme si elle s’était trouvée devant une madone.

Toutes trois montèrent en voiture et se rendirent au palais Mondragone, qui était situé via dei Carneschi, près de Santa Maria-Novella. Mondragone venait de faire bâtir ce palais sur les dessins de l’Ammanato, et depuis un an à peine il l’habitait.

Comme la chose avait été convenue, la Mondragone présenta les deux femmes à son mari, et raconta en peu de mots les aventures de Bianca. Mondragone promit sa protection, et comme il se rendait à l’instant même chez le duc, qui l’avait envoyé quérir, il s’engagea à lui parler le jour même en faveur des deux jeunes gens.

Bianca ne pouvait cacher sa joie, elle se retrouvait dans un monde qui était le sien, ses mains touchaient de nouveau du marbre, ses pieds foulaient enfin des tapis ; la toile et la serge avaient cessé pour un instant d’attrister ses yeux ; elle se retrouvait dans le velours et dans la soie. Il lui semblait n’avoir jamais quitté le palais de son père, et que tout ce qu’elle voyait était à elle.

Aussitôt Mondragone sorti, la belle-mère de Blanca voulut se retirer, mais la comtesse dit qu’elle ne laisserait pas partir sa protégée sans lui faire voir son palais en détail, attendu qu’elle voulait savoir d’elle s’il approchait de ces magnifiques fabriques vénitiennes qu’elle avait tant entendu vanter. Elle pria donc la bonne femme, qu’une pareille visite eût fatiguée, de se reposer en les attendant, puis la comtesse et Bianca, s’étant prises sous le bras, comme deux anciennes amies, sortirent de la chambre et traversèrent deux ou trois appartemens, dans chacun desquels la comtesse fit remarquer à Bianca quelque meuble merveilleusement incrusté, ou quelque tableau précieux de ces grands maîtres qui venaient de mourir. Enfin elles arrivèrent dans un dé-