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que son cocher recevrait, en rentrant, vingt cinq coups de bâton, prit la blessée dans ses bras, la fit mettre dans sa voiture par ses gens, et déclara qu’elle la voulait reconduire chez elle et ne la quitterait que lorsque le médecin lui aurait donné la certitude que cet accident n’aurait aucune suite. Peu s’en fallut que la Mondragone ne fût portée en triomphe par le peuple.

On arriva chez les Bonaventuri. Du premier coup d’œil, la Mondragone vit qu’elle avait affaire à de pauvres gens, et, comme d’habitude, elle estima la vertu de la jeune femme à la valeur de l’appartement qu’elle habitait.

Bianca lui fut présentée. À sa vue, la Mondragone, tout habile qu’elle fût, ne sut plus trop que penser : c’est qu’il y avait dans Bianca, de quelque habit qu’elle fût revêtue, toute la hauteur du regard des Capello. D’ailleurs, ses termes étaient élégans et choisis. La grande dame se révélait de tous les côtés sous l’extérieur de la pauvre fille. La Mondragone se retira sans comprendre autre chose à tout ceci, qu’il y avait là l’étoffe d’une maîtresse de prince, et sa fortune, à elle, si elle réussissait.

Elle revint le lendemain prendre des nouvelles de la bonne femme ; elle allait tout à fait bien, et était on ne pouvait plus reconnaissante de ce qu’une aussi grande dame daignait s’occuper d’elle. La Mondragone avait compris son monde : elle était trop adroite pour offrir de l’argent, mais elle laissa voir quelle position son mari tenait à la cour, et elle offrit ses services. La mère et la fille échangèrent un coup d’œil : ce fut assez pour la Mondragone sût que les services offerts seraient acceptés.

Le surlendemain, elle revint une troisième fois, et cette fois elle fut plus gracieuse que les deux autres. Elle avait dès la veille laissé voir à Bianca qu’elle n’était pas dupe de l’incognito dont elle cherchait à s’envelopper, et qu’elle la reconnaissait pour être de race. Elle fit un appel à sa confiance. La jeune femme n’avait aucun motif pour se défier d’elle : elle lui raconta tout. La Mondragone écouta la confidence avec une bienveillance charmante ; mais la confidence achevée, elle dit à Bianca que, comme la situation était plus grave qu’elle ne l’avait pensé d’abord, c’était à son mari