Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demande lui fut accordée comme la première. Le pauvre Jean-Baptiste, appréhendé au corps par les sbires de la Sérénissime république, fut jeté dans un cachot, où on l’oublia, attendu la grande quantité de personnages bien autrement considérable dont avait à s’occuper le conseil des Dix, et où il mourut, au bout de trois mois, de froid et de misère.

Quant à Giovannino, il fouilla pendant huit jours tous les coins et tous les recoins de Venise, disant que, s’il trouvait Pietro et Bianca, tous les deux ne mourraient que de sa main.

Le lecteur se demande peut-être ce qu’ont de commun ces jeunes amants fuyant la nuit de Venise, et poursuivis par toute une famille outragée, avec Ferdinand, second fils de Cosme le Grand, et alors cardinal à Rome. Il le saura bientôt.

Cependant les fugitifs étaient arrivés à Florence sans accident, mais, comme on le pense bien, avec grande fatigue, et s’étaient réfugiés chez le père de Bonaventuri, qui habitait un petit appartement au second sur la place Saint-Marc : c’est chez les pauvres parens que les enfans sont surtout les bien venus. Bonaventuri et sa femme reçurent leur fils et leur fille à bras ouverts. On renvoya la servante, pour économiser une bouche inutile, et à charge ou à craindre désormais, soit qu’elle s’ouvrit pour manger, soit qu’elle s’ouvrit pour parler. La mère se chargea des soins du ménage ; Bianca, dont les blanches mains ne pouvaient descendre à ces soins vulgaires, commença à broder de véritables tapisseries de fée. Le père de Pietro, qui vivait de copies qu’il faisait pour les officiers publics, annonça qu’il avait pris un commis, et se chargea de double besogne. Dieu bénit le travail de tous, et la petite famille vécut.

Il va sans dire que communication de la sentence rendue par le tribunal des Dix avait été faite au gouvernement florentin, lequel avait autorisé Capello et le patriarche d’Aquilée à faire les recherches nécessaires, non seulement à Florence, mais encore dans toute la Toscane ; ces recherches avaient été inutiles. Chacun avait trop d’intérêt à garder son propre secret.

Trois mois se passèrent ainsi, sans que la pauvre Bianca, habituée à toutes les caresses du luxe, laissât échapper une