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peut-être pas toujours le même bonheur, il avait renoncé à l’idée qu’il avait eue d’abord de faire sa fille religieuse afin de doubler la fortune de son fils : il craignait qu’en passant une belle nuit de ce monde à l’autre, Giovannino ne le laissât à la fois sans fils et sans fille.

Quant à Bianca, c’était une charmante enfant de quinze à seize ans, au teint blanc et mat, sur lequel, à toute émotion, le sang passait comme un nuage rosé ; aux cheveux de ce blond puissant dont Raphaël venait de faire une beauté, aux yeux noirs et pleins de flamme, à la taille souple et flexible, mais de cette souplesse et de cette flexibilité qu’on sent pleine de force, toute prête à l’amour comme Juliette, et qui n’attendait que le moment où quelque beau Roméo se trouverait sur son chemin pour dire comme la jeune fille de Vérone : Je serai à toi ou à la tombe.

Elle vit Pietro Bonaventuri ; la fenêtre de la chambre du jeune homme s’ouvrait sur la chambre de la jeune fille. Ils échangèrent d’abord des regards, puis des signes, puis des promesses d’amour. Arrivés là, la distance seule les empêchait d’y ajouter les preuves : cette distance, Bianca la franchit.

Chaque nuit, quand tout le monde était couché chez le noble Capello, quand la nourrice qui avait élevé Bianca était retirée dans la chambre voisine, quand la jeune fille, debout contre la cloison, s’était assurée que ce dernier argus s’était endormi, elle passait une robe brune afin de n’être point vue dans la rue, descendait à tâtons et légère comme une ombre les escaliers de marbre du palais paternel, entr’ouvrait la porte en dedans et traversait la rue ; sur le seuil de la porte opposée, elle trouvait son amant. Tous deux alors, avec de douces étreintes, montaient l’escalier qui conduisait à la petite chambre de Pietro. Puis, lorsque le jour était sur le point de paraître, Bianca redescendait et rentrait dans sa chambre, où sa nourrice, le matin, la trouvait endormie de ce sommeil de la volupté qui ressemble tant à celui de l’innocence.

Une nuit que Bianca était chez son amant, un garçon boulanger qui venait de chauffer un four dans les environs trouva une porte entr’ouverte et crut bien faire de la fermer ;