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Stuart, définitivement condamnée, fut exécutée sans miséricorde à l’acte suivant.

Nous rentrâmes à l’hôtel où nous attendait notre dîner, que nous mangeâmes tout en philosophant sur les misères humaines. Au dessert on m’annonça qu’un homme de la police désirait me parler. Comme je ne croyais pas qu’il y eût de secrets entre moi et la police sarde, je fis prier l’émissaire du buon governo de se donner la peine d’entrer. L’émissaire me salua avec une grande politesse, me présenta mon passeport visé pour Livourne, et me dit que le roi Charles-Albert ayant appris mon arrivée de la veille dans la ville de Gênes, m’invitait à en sortir le lendemain. Je priai l’émissaire du buon governo de remercier de ma part le roi Charles-Albert de ce qu’il voulait bien m’accorder vingt-quatre heures, ce qu’il ne faisait pas pour tout le monde, et je lui exprimai combien j’étais flatté d’être connu de son roi, que je connais sais bien pour un roi guerrier, mais non pas pour un roi littéraire. L’émissaire du buon governo me demanda s’il n’y avait rien pour boire. Je lui donnai quarante sous, tant j’étais flatté que ma réputation fût parvenue au pied du trône de S. M. sarde, et l’émissaire du buon governo se retira en me baisant les mains.

Quand Alberto Nota est venu en France, nous lui avons donné une médaille d’or.

Quoique je connaisse bien la devise littéraire du roi Charles-Albert, qui est : poco di Dio, niente del re, c’est à-dire parlez peu de Dieu, et pas du tout du roi ; et peut-être même parce que je connaissais bien cette devise, je ne comprenais rien à la bonté qu’il avait de s’occuper ainsi de moi. J’ai peu écrit sur Dieu dans ma vie, mais ce peu n’a peut être pas été inutile à la religion. J’ai parlé du roi Charles-Albert, c’est vrai, mais c’était pour faire l’éloge de son courage comme prince de Carignan, et il n’y avait point là de quoi me faire chasser de ses États. Je lui avais bien, trois ans auparavant, brûlé, moi septième, une forêt, mais nous l’avions payée, il n’y avait donc rien à dire ; et comme les bons comptes font les bons amis, et que le compte avait été bon je me croyais, à juste titre, un des bons amis du roi Charles-Albert.