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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Et qui, s’il était roi, montrerait à la France
Des enfants de Clovis la stupide indolence !
C’est Berry, que l’armée appelait à grands cris,
Et qui lui prodigua l’insulte et le mépris ;
Qui, dès ses jeunes ans, puisa dans les tavernes
Ces mœurs, ce ton grossier, qu’ignorent nos casernes.
C’est son frère, avec art sous un masque imposteur,
Cachant de ses projets l’ambitieuse horreur !
Qui, nourri par son oncle aux discordes civiles,
En rallume les feux en parcourant nos villes ;
Ce Thersite royal, qui ne sut, à propos,
Ni combattre ni fuir, et se croit un héros !
C’est, plus perfide encor, son épouse hautaine,
Cette femme qui vit de vengeance et de haine,
Qui pleure, non des siens le funeste trépas,
Mais le sang qu’à grands flots elle ne verse pas !
Ce sont ces courtisans, ces nobles et ces prêtres,
Qui, tour à tour flatteurs et tyrans de leurs maîtres,
Voudraient nous ramener au temps où nos aïeux
Ne voyaient, ne pensaient, n’agissaient que par eux !

Enfin, terminant le discours par une péroraison digne du sujet, l’auteur s’écriait encore, dans son enthousiasme libéral :

Ne balançons donc plus, levons-nous ! et, semblables
Au fleuve impétueux qui rejette les sables,
La fange et le limon qui fatiguaient son cours,
De notre sol sacré rejetons pour toujours
Ces tyrans sans vertu, ces courtisans perfides,
Ces chevaliers sans gloire et ces prêtres avides,
Qui, jusqu’à nos exploits ne pouvant se hausser,
Jusques à leur néant voudraient nous abaisser !

Douze ans après, on chassait les Bourbons de France.

Ce ne sont pas les boulets des révolutions qui renversent les trônes ; ce n’est pas la guillotine qui tue les rois : boulets et guillotine ne sont que des instruments inertes au service des idées.