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CHAPITRE LIV.

TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ.


lettrine Felton était venu ; mais il y avait un second pas à faire : il fallait le retenir, ou plutôt il fallait qu’il restât tout seul, et milady n’entrevoyait qu’obscurément le moyen qui devait la conduire à ce résultat.

Il fallait plus encore, il fallait le faire parler, afin de lui parler aussi, car milady le savait bien, sa plus grande séduction était dans sa voix, qui parcourait si habilement toute la gamme des tons, depuis la parole humaine jusqu’au langage céleste.

Et cependant, malgré toute cette séduction, milady pouvait échouer, car Felton était prévenu, échouer contre le moindre hasard. Dès lors, elle surveilla toutes ses actions, toutes ses paroles, jusqu’au plus simple regard de ses yeux, jusqu’à son geste, jusqu’à sa respiration, qu’on pouvait interpréter comme un soupir ; enfin elle étudia tout comme fait un habile comédien à qui l’on vient de donner un rôle nouveau dans un emploi qu’il n’a pas l’habitude de tenir.

Vis-à-vis de lord de Winter, sa conduite était plus facile : aussi avait-elle été arrêtée dès la veille. Rester muette et digne en sa présence, de temps en temps l’irriter par un dédain affecté, par un mot méprisant, le pousser à des menaces et à des violences qui feraient un contraste avec sa résignation à elle, tel était son projet. Felton verrait ; peut-être ne dirait-il rien, mais il verrait.

Le matin Felton vint comme d’habitude, mais milady le laissa préluder à tous les apprêts du déjeuner sans lui adresser la parole. Aussi, au moment où il allait se retirer, eut-elle une lueur d’espoir, car elle crut que c’était lui qui allait parler ; mais ses lèvres remuèrent sans qu’aucun son sortît de sa bouche, et, faisant un effort sur lui-même, il renferma dans son cœur les paroles qui allaient s’échapper de ses lèvres, et sortit.

Vers midi, lord de Winter entra.