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brilla de colère en voyant son prétendu cousin tout flamboyant. Cependant une chose le consola intérieurement, c’est qu’on disait partout que la campagne serait rude : il espérait tout doucement au fond du cœur que Porthos y serait tué.

Porthos présenta ses compliments à maître Coquenard et lui fit ses adieux ; maître Coquenard lui souhaita toutes sortes de prospérités. Quant à Mme Coquenard, elle ne pouvait retenir ses larmes ; mais on ne tira aucune mauvaise pensée de sa douleur ; on la savait fort attachée à ses parents, pour lesquels elle avait toujours eu de cruelles disputes avec son mari.

Tant que la procureuse put suivre des yeux son beau cousin, elle agita un mouchoir en se penchant hors de la fenêtre, à faire croire qu’elle voulait se précipiter. Porthos reçut toutes ces marques de tendresse en homme habitué à de pareilles démonstrations. Seulement, en tournant le coin de la rue, il souleva son feutre et l’agita en signe d’adieu.

De son côté, Aramis écrivait une longue lettre. À qui ? Personne n’en savait rien. Dans la chambre voisine, Ketty, qui devait partir le soir même pour Tours, attendait cette lettre mystérieuse.

Athos buvait à petits coups la dernière bouteille de son vin d’Espagne.

Pendant ce temps, d’Artagnan défilait avec sa compagnie. En arrivant au faubourg Saint-Antoine, il se retourna pour regarder gaîment la Bastille, à laquelle il avait échappé jusqu’alors. Comme c’était la Bastille seulement qu’il regardait, il ne vit point milady qui, montée sur un cheval isabelle, le désignait du doigt à deux hommes de mauvaise mine, qui s’approchèrent aussitôt des rangs pour le reconnaître. Sur une interrogation qu’ils firent du regard, milady répondit par un signe que c’était bien lui. Puis, certaine qu’il ne pouvait plus y avoir de méprise dans l’exécution de ses ordres, elle piqua son cheval et disparut.

Les deux hommes suivirent alors la compagnie, et à la sortie du faubourg Saint-Antoine, montèrent sur des chevaux tout préparés qu’un domestique sans livrée tenait en main en les attendant.