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rera point tous les quatre, plus quatre laquais, plus les chevaux, plus les armes ; ils en auraient une indigestion.

— Puis ce sera une occasion de montrer nos équipages, observa Porthos.

Mais si c’est une femme qui écrit, dit Aramis, et que cette femme désire ne pas être vue, songez que vous la compromettez, d’Artagnan, ce qui est mal de la part d’un gentilhomme.

— Nous resterons en arrière, dit Porthos, et lui seul s’avancera.

— Oui, ajouta Aramis, mais un coup de pistolet est bientôt tiré d’un carosse qui marche au galop.

— Bah ! dit d’Artagnan, on me manquera. Nous rejoindrons alors le carosse et nous exterminerons ceux qui se trouveront dedans. Ce sera toujours autant d’ennemis de moins.

— Il a raison, dit Porthos, bataille ! il faut bien essayer nos armes, d’ailleurs.

— Ma foi ! donnons-nous ce plaisir, ajouta Aramis de son air doux et nonchalant.

— Comme vous voudrez, continua Athos.

— Messieurs, dit d’Artagnan, il est quatre heures et demie, et nous avons le temps à peine d’être à six heures sur la route de Chaillot.

— Puis, si nous sortions trop tard, observa Porthos, on ne nous verrait pas, ce qui serait dommage. Allons donc nous apprêter, messieurs.

— Mais cette seconde lettre, dit Athos, vous l’oubliez. Il me semble que le cachet indique cependant qu’elle mérite d’être ouverte. Quant à moi, je vous déclare, mon cher d’Artagnan, que je m’en soucie bien plus que du petit brimborion que vous venez tout doucement de glisser sur votre cœur.

D’Artagnan rougit.

— Eh bien ! dit le jeune homme, voyons, messieurs, ce que me veut Son Éminence.

D’Artagnan décacheta la lettre et lut :

« M. d’Artagnan, garde du roi, compagnie des Essarts, est attendu au palais Cardinal ce soir, à huit heures.

« La Houdinière,
» Capitaine des gardes. »

— Diable ! s’écria Athos, voici un rendez-vous bien autrement inquiétant que l’autre.

— J’irai au second en sortant du premier, dit d’Artagnan ; l’un est pour sept heures, l’autre pour huit ; il y aura temps pour tout.

— Hum ! je n’irais pas, dit Aramis ; un galant chevalier ne peut manquer à un rendez-vous donné par une dame ; mais un gentilhomme prudent peut s’excuser de ne pas se rendre chez Son Éminence, surtout lorsqu’il a quelques raisons de croire que ce n’est pas pour y recevoir des compliments.

— Je suis de l’avis d’Aramis, dit Porthos.

— Messieurs, répondit d’Artagnan, j’ai déjà reçu par M. de Cavois pareille invitation de Son Éminence ; je l’ai négligée, et, le lendemain, il m’est arrivé un grand malheur : Constance a disparu. Quelque chose qui puisse advenir, j’irai.

— Si c’est un parti pris, dit Athos, faites.

— Mais la Bastille ? objecta Aramis.