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LES FRÈRES CORSES

« Et je lui montrai l’endroit où j’éprouvais la douleur.

« — D’abord, reprit-il, il n’y a eu aucun coup de fusil ni de pistolet tiré ; ensuite, vous n’avez pas de trou à votre redingote.

« — Alors, répondis-je, c’est mon frère qui vient d’être tué.

« — Ah ! ceci, répondit-il, c’est autre chose.

« J’ouvris ma redingote, et je trouvai la marque que je vous ai montrée tout à l’heure ; seulement, au premier abord, elle était vive et comme saignante.

« Un instant je fus tenté, tant je me sentais brisé par la double douleur morale et physique que j’éprouvais, de rentrer à Sullacaro ; mais je pensai à ma mère : elle ne m’attendait que pour souper, il fallait donner une raison à ce retour, et je n’avais pas de raison à lui donner.

« D’un autre côté, je ne voulais pas, sans une plus grande certitude, lui annoncer la mort de mon frère.

« Je continuai donc mon chemin, et rentrai seulement à six heures du soir.

« Ma pauvre mère me reçut comme d’habitude ; il était évident qu’elle ne se doutait de rien.

« Aussitôt le souper, je remontai dans ma chambre.

« En passant dans le corridor que vous connaissez, le vent souffla ma bougie.

« J’allais descendre pour la rallumer, quand, par les